Sir Alice est le pseudo d’Alice Daquet, musicienne, à la frontière de l’électronique expérimentale laptop type Mego, du punk froid de Métal Urbain et de l’esthétique industrielle (Throbbing Gristle, Einstuzende Neubauten, Nurse With Wound…). Autant de musiques qui ne peuvent que plaire à son producteur complice Marc Collin (Nouvelle Vague, Avril, Suburbia, etc.) qu’elle a rencontré à l’Ircam où elle prépare une thèse sur la perception cognitive de la musique et collabore avec Mehdi Bendjebour, autre sorcier des machines… Mail-interview.

Chronic’art : Sir Alice est un nom de scène très « masculin / féminin ». Schizophrénie ? féminisme ?

Sir Alice : Non, non, c’est beaucoup plus simple… j’ai été anoblie par la reine d’Angleterre…

D’où tiens-tu ton background musical ? Famille artiste, milieu bourgeois, bohème ?

Non, non pas du tout, rien à voir avec ma famille. J’ai commencé à 14 ans avec un groupe de rock alternatif, punk comme qui dirait… je trouvais ça rigolo. Sans vouloir trop romancer, petite, déjà, je bidouillais pleins de trucs sur des magnétos… et puis un jour ça a été comme une évidence : je voulais faire ma propre musique. Je ne sais pas trop comment arrivent ces choses là.

Parmi tout ce qui alimente ta musique (indus, punk, electro, laptop), un genre te plait-il plus que les autres ?

J’écoute beaucoup d’electronica un peu pointue (Mego, Raster Noton…), de la musique contemporaine et des drones. Et comme tout le monde, j’ai mes tubes : un peu de Sonic Youth, de Suicide, de NIN… J’aime beaucoup de choses, j’ai beaucoup écouté de musique. L’aspect un peu « essai curieux » doit me venir des premiers disques que j’ai vraiment écouté : Gong, Sweet Smoke, King Crimson, Malicorne…

Quel rapport avec les 60’s ? Roller-girl, Anna, Charlotte Leslie, ça t’inspire ?

Non, je n’ai pas du tout cette culture.

Superhero a un côté « jerk électronique ». De tes études à l’Ircam, tu retiens quoi : plutôt Pierre Henry ou les GRM Tools ?

Pierre Henry n’a rien à voir avec l’Ircam, ni les GRM Tools. Comme leur nom l’indique, c’est le GRM (Groupe de Recherche Musicale) qui est à l’origine de ces plugs in. A l’Ircam, je fais de la recherche. Je ne sais pas dans quelle mesure ça a un lien avec ma musique, mais je sais que pour moi tout ce que je fais forme une unité. Ne faire que de la musique rigolote et sortir des disques ne me satisferait pas.
J’ai déjà un exutoire dans mes collaborations « artistiques » et mes propres productions qui me permettent de faire de la musique plus pointue, plus orientées sur l’écoute. Superhero a été réalisé avec Marc Collin. Et voici son histoire : Marc avait retrouvé une batterie traitée, il pensait que je pouvais l’utiliser pour faire un morceau. Nous étions en studio, il me l’a fait écouter et on a décidé de faire une basse. Depuis longtemps, je lui parlais de faire un morceau, un surf, avec une guitare un peu pulp fiction et une batterie 60’s. Il était tard, mais on a commencé à faire les imbéciles en rajoutant des guitares, des claviers, avec des thèmes à la B 52’s. J’ai alors eu l’idée de paroles rigolotes sur l’histoire d’une fille qui rêve de super-héros. Du coup, tout l’esprit du morceau est né en une soirée. Je tiens à souligner la participation de Avril qui a joué le Rhodes que l’on entend… Nous étions en train de retravailler le morceau quelques jours après et Avril, qui travaillait à ce moment là sur son dernier album, est passé au studio. Spontanément il a joué le petit thème Batman et je l’ai enregistré à l’arrache. Tout est assez simple, je fais des chansons, parfois je raconte n’importe quoi et je m’amuse, parfois c’est plus compliqué… Superhero est juste un délire avec Marc.

La pochette du disque fait très Alice in wonderland. Es-tu d’accord pour dire que le « pays des merveilles » est totalement flippant, qu’Alice y est plutôt malheureuse et angoissée ?

La pochette n’a pas vraiment été pensée, on a pris cette photo car nous étions pressés et qu’elle était disponible. Elle a été prise alors que je faisais une vidéo pour la musique d’un ami (Mordechai Rosenbaum) après un concert à Gand, dans le couloir d’un Hotel Ibis… Elias Amari, qui était le « réalisateur », prenait des photos numériques pour pouvoir les monter en film, et lorsque l’appareil calculait, il me disait de ne pas bouger et allait chercher un autre appareil photo et prenait d’autres photos, dont celle de la pochette. Puis Nadia Micault l’a « customisé » à sa façon. Je lui fais totalement confiance, c’est une grande amie. C’est elle qui a fait la pochette du maxi et elle est fabuleuse, je trouve. Alors pour Alice aux pays des merveilles sur la pochette, tu vois, j’ai pas vraiment décidé… Après, le fait qu’Alice soit angoissée et malheureuse… qu’est ce que tu veux me faire dire au juste ?

Propos recueillis par

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