Stéphane Jacob présente Propositions australiennes, une exposition d’art contemporain australien à la galerie Luc Queyrel.


Chronic’art : Stéphane, en quoi consiste ton métier ?

Stéphane Jacob : Je suis marchand d’art contemporain australien. J’expose une trentaine d’artistes occidentaux et aborigènes, et j’essaye de montrer les différentes facettes de la culture australienne. On connaît surtout l’Australie pour ses kangourous ou ses surfeurs, mais, mis à part la peinture pointilliste, son art est méconnu. Ce qui m’a intéressé, c’est de mettre en relation l’art aborigène avec l’art occidental. Quand je parle d’art occidental, il s’agit des artistes qui vivent en Australie, d’origine anglo-saxonne ou autre et qui ont un background culturel différent de la culture des aborigèneset qui sont en Australie depuis près de 60 000 ans.

Je présente de la peinture à l’huile ou à l’acrylique, mais aussi des gravures, de la sculpture, des tissus car une des spécificités de l’art australien consiste à travailler sur une multiplicité de supports. Ainsi, Rosalie Gascoigne par exemple, travaille sur des matériaux de récupération. Elle recompose, en débitant en petites lamelles des caisses en bois de bouteilles de Schweppes, des paysages urbains. Il y a aussi Matthew Johnson qui peint sur des boîtiers de CD. Ce qui l’intéresse, c’est de jouer sur le tissage des lumières. Il assemble ces disques pour en faire une composition géométrique sur laquelle il va peindre des motifs abstraits.

Je présente également John Kelly (Two men lifting a cow II, notre photo). Pendant la seconde guerre mondiale, les australiens avaient imaginé de fausses vaches en papier mâché pour servir de caches à munitions. On mettait les armes dans les vaches, les vaches dans les champs et tous les jours, de faux paysans déplaçaient ces vaches pour tromper les pilotes japonais. John Kelly en a fait toute une série, tant en peinture qu’en sculpture en bronze.

Quelle est la spécificité de l’art aborigène australien ?

C’est très difficile de parler d’art aborigène en globalité parce qu’il y a autant de styles d’art que de communautés. A l’origine, les aborigènes peignaient sur le sol les histoires relatives au Temps du Rêve. Le Temps du Rêve désigne le temps de la création lorsque des êtres mythiques, mâles et femelles, sortirent de la terre sous une apparence humaine, animale ou végétale, pour lui donner forme, créer le jour et la nuit, instaurer le cycle de la vie. Cette préhistoire mythique est à l’origine de la géographie même de l’Australie. C’est-à-dire que les ancêtres ont sillonnés l’Australie pour lui donner sa configuration actuelle. Chaque œuvre rappelle la légende d’un ancêtre, lequel pouvait avoir des formes multiples. L’igname, par exemple, était un être personnifié qui allait puiser son énergie au centre de la terre puis la remontait à la surface pour la véhiculer aux hommes, comme le montrent souvent les tableaux d’Emily Kame Kngwarreye (qui a représenté l’Australie à la Biennale de Venise en 1997, ndlr) . Les aborigènes vont raconter, à travers leurs peintures, les déplacements des ancêtres mythiques. Au moment où ils peignent la toile, ils vont se mettre dans la peau de cet ancêtre et ainsi redonner vie à la Création.

La peinture aborigène est souvent pointilliste. Que représentent ces points ?

Les points sont des supports de méditation. A l’origine, lorsqu’on travaillait sur le sol, on plantait son doigt dans la terre, pour figer le motif et on y ajoutait un peu de charbon, de plume, etc., pour colorer le dessin. Les peintures sur le sol pouvaient atteindre un hectare de superficie, et étaient éphémères. Le fait de passer sur un support moderne comme la toile n’a eu aucune incidence pour eux. Ce qui compte, c’est le moment de la réalisation de l’œuvre. Que ce soit sur terre, sur écorce ou sur panneau de toile, c’est exactement la même chose du point de vue sémantique. Lorsque les aborigènes ont découvert la toile, ils ont découvert qu’ils pouvaient étendre leurs rêves à l’infini.

Tu exposes aussi chez toi, comment ça se passe ?

Comme on connaît mal l’art australien, je crois que le meilleur moyen de le faire apprécier est encore d’organiser des présentations privées, et de parler de chaque œuvre. J’ai un fonds de 300 œuvres d’artistes aborigènes ou occidentaux, qui sont toutes des pièces de collections.

Propos recueillis par

Galerie Luc Queyrel
34 rue Mazarine, Paris 6e
Tél : 01 40 46 90 36
Fax : 01 46 34 70 41
jusqu’au 1er août.|

Arts d’Australie – Stéphane Jacob
Tél : 01 46 22 23 20
Fax : 01 40 54 91 72