Dans l’univers souvent peu transparent de la médecine, marqué par le poids grandissant des lobbies pharmaceutiques et par des politiques incohérentes et à visée essentiellement lucrative, la revue Pratiques, Les Cahiers de la médecine utopique offre un nécessaire contre-pouvoir informatif et citoyen. Portrait d’une revue et de son action…

La nouvelle formule de la revue Pratiques débutait en 1998 et s’ouvrait sur un dossier traitant des enjeux économiques, éthiques, philosophiques et politiques de la génétique et des biotechnologies. A sujet complexe, traitement ambitieux : il s’agissait de rompre enfin avec la circulation habituelle de l’information dans ce type de domaines, où existe un décalage flagrant entre une information scientifique et précise destinée aux professionnels et de grandes communications médiatisées à destination du grand public, qui ne relaient en général, de manière très binaire, qu’un seul aspect des choses : critiques des avancées technologiques dans certains médias, éloges du progrès et de la nouveauté dans les autres. Dès son premier numéro, Pratiques s’éloignait donc de cette logique informative pour proposer une information à destination des professionnels comme des citoyens, où la diversité des contributions (écrites par des médecins généralistes, des associations, des philosophes, des biologistes, des anthropologues, etc.) contribuait à l’apparition d’un espace de réflexion démocratique et dégagé des peurs comme des fantasmes. Espace d’une revue dans laquelle on retrouve également avec plaisir quelques figures connues, Pierre Bourdieu, Martin Winckler, René Passet, etc.

L’ensemble des dix numéros parus depuis début 1998 témoigne de l’objectif parfaitement atteint du projet initial. De « La Souffrance psychique » à « L’Hôpital en crise » en passant par « Santé et environnement », « La Santé au travail » et « La Responsabilité du médecin », les dossiers de la revue sont parvenus, sobrement et sérieusement, à replacer la réflexion sur les domaines de la santé et de la médecine dans le champ public et politique. Derrière ces simples mots se révèle une réelle réussite épistémologique et citoyenne. D’une part parce que le discours médical est souvent considéré comme un discours de spécialistes qui doit rester dans la sphère privée des spécialistes (l’absence de représentants d’associations de patients au sein de l’ordre des médecins en témoigne malheureusement). D’autre part parce que le savoir médical, rigidement conçu comme un savoir uniquement scientifique est souvent, lui aussi, cloisonné à l’intérieur d’un domaine d’où sont absentes les sciences humaines. Il était ainsi d’autant plus difficile de briser la barrière qui sépare ce qui a trait à la science de ce que l’on considère comme du domaine de la « culture ». En y parvenant, Pratiques participe donc de la lutte contre une logique technocratique et non démocratique du savoir, de la recherche et de leurs enjeux.

Au-delà de la nécessaire ouverture de la connaissance et de la pratique médicales, restent les domaines où se livrent aujourd’hui les combats les plus importants, à savoir les domaines politiques et économiques. Jamais auparavant l’Etat et les entreprises (pharmaceutiques en particulier) ne s’étaient à tel point accordés dans le but, avoué ou non, de contrôler entièrement le monde médical et de le faire entrer dans une logique marchande à visée clairement lucrative et libérale. Séduits par le système américain, qui exclut de l’accès aux soins plusieurs dizaines de millions d’individus, ils remettent aujourd’hui directement en cause le système français, basé sur l’accès aux soins de tous, indépendamment de leurs ressources. Les exemples qui le révèlent sont de plus en plus nombreux (désengagement financier de l’Etat dans les hôpitaux publics, projets de polices d’assurance discriminantes, médicaments non remboursés, etc.). Devant l’accroissement spectaculaire de ces atteintes, la revue Pratiques a donc estimé qu’informer sur les dangers de ces politiques ne suffisait plus. Elle a récemment créé une association, Collectif Alerte Santé, Notre santé n’est pas une marchandise.

De même qu’il est nécessaire de ne pas laisser la politique économique aux seules mains des économistes et des industriels (les actions de l’association ATTAC le démontrent intelligemment), il est urgent de ne pas leur laisser la gestion des politiques de santé. Parce qu’elle touche aux bien-être individuels comme au bien-être collectif, la santé doit rester accessible à tous et le système de santé doit rester basé sur le principe de solidarité.

Pour obtenir le texte -impeccablement conçu- de la charte du Collectif Alerte Santé ainsi que tout renseignement concernant la revue et ses actions, vous pouvez écrire à :

Revue Pratiques / S.M.G.
52, rue Galliéni – 92240 Malakoff
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