Entretien rare et sur le pouce avec David Pajo, une des figures les plus importantes de la musique indépendante américaine des années 90, des mythiques Slint à Papa M, son plus récent projet en solo, en passant par son parcours avec Will Oldham, son ami de Louisville. Sorti en catimini à la fin 2001, Whatever, mortal, est l’un des albums folk les plus iconoclastes du moment.

Chronic’art : Avec Papa M sings et Whatever, mortal, vous chantez pour la première fois. Pourquoi avoir attendu si longtemps ?

David Pajo : Je pense que le fait d’avoir attendu si longtemps est dû à un manque de confiance en moi. J’ai poussé ça jusqu’à ses limites, jusqu’à ce je ne puisse plus le supporter, afin finalement de me lancer.

Vos différentes expériences musicales, au sein de formations cultes, comme Slint, The For Carnation, Palace, Royal Trux ou Tortoise, ont-elles été bénéfiques ?

Bien entendu, chaque groupe m’a poussé vers de nouvelles directions musicales. Des directions que je n’aurais peut-être pas prises tout seul.

Votre musique est-elle profondément américaine ?

A 100 %.

Qu’est-ce que la musique américaine pour vous ? Et quelles sont vos influences ?

C’est comme s’il s’agissait d’une femme. Disons qu’elle est américaine. Elle couche avec beaucoup de monde, des blancs, des noirs, des bruns, des jeunes, des vieux, des hassidiques, des musulmans, des chrétiens, des satanistes, des pénis de toutes formes, dimensions et couleurs. Elle élève ses enfants dans sa petite maison de Proctor, dans le Minnesota. Tous ses gosses deviennent différents. L’un d’entre eux monte une maison de retraite pour juifs au bord de la mer, un autre meurt lors d’une transaction de crack pour le compte d’un gang de Baltimore. La seule chose que ces enfants ont en commun, c’est leur mère. Ils ne font que partager leur américanisme, c’est tout. Voilà ce qu’est la musique américaine pour moi.

Quand avez-vous appris à jouer du banjo ?

Quand j’ai eu le temps.
Vos racines appalachiennes sont-elles importantes à vos yeux ?

Sûrement, mais je pense que ça n’est qu’une des nombreuses formes de musique importante pour moi.

Vous avez grandi à Louisville, dans le Kentucky. Votre environnement a-t-il eu un quelconque impact sur vous ?

Louisville a en effet eu sur moi un grand impact, plus que n’importe quel autre endroit. J’y ai grandi au cours des années 70 et j’y habite toujours. Comment cela ne pourrait-il pas laisser une impression durable sur moi ?

Vous considérez-vous comme étant un singer/songwriter maintenant que vous chantez ?

Dans mes désirs d’être autosuffisant, j’ai atteint, il me semble, cette forme de pureté inhérente au singer/songwriter. Mais je serai heureux de jouer et de chanter les compositions des autres à ma manière. J’essaie encore de comprendre comment on écrit des chansons, alors tant que ça reste enrichissant, ça captera mon attention.

Quelle est l’importance de votre relation avec Will et Paul Oldham, de vos débuts musicaux jusqu’à Whatever, mortal , un album qu’ils ont en partie produit ?

Paul n’a pas du tout participé à Whatever, mortal, je n’ai fait que lui emprunter du matériel pour enregistrer, c’est tout. En revanche, Will a eu un rôle important. Je me suis fié à son avis du début jusqu’à la fin. Ses encouragements ont été extrêmement bénéfiques.

Quel est votre procédé de composition ?

Je bois, je prends des drogues, j’écris. Je me douche le matin et je vais au lit le soir.

Comment expliquez-vous ce retour, depuis le début des années 90, aux sources de la musique américaine, des Appalaches au Sud des Etats-Unis, avec le blues, la country, le folk, le bluegrass… ?

Heureusement, les gens comprennent qu’il existe tant de musique au monde. Il y a eu tellement de genres incroyables inventés et enregistrés par le passé… Il est grand temps de revenir et de chercher, d’absorber, de découvrir toutes ces vieilles musiques fantastiques.

Propos recueillis par

Lire notre chronique de Whatever, mortal