Compte-rendu du Festival Mo’Fo 2005 à Mains d’Oeuvre (Saint-Ouen) par notre gonzo-chroniqueur en chef, Wilfried Paris. Troisième soirée (02.07.05 – relire le compte-rendu de la soirée précédente et celui de la première soirée).

Honte sur le journaliste qui ne connaît rien à rien. Je reçois ce matin ce mail de Renaud Sachet (qui s’occupe de l’excellent label Herzfeld) : « Très chouettes tes chroniques de Mo’Fo, j’étais venu pour les Pastels (Aggi ne joue plus avec eux depuis 2-3 ans, elle a épousé le joli jeune homme qui jouait de la traversière jeudi soir avec qui d’ailleurs elle a eu un petit enfant récemment ; la jeune femme à la batterie est Katrina Mitchell, pour tout ce qui est des Pastels, connecte toi à mon site mechanised.org, des archives non officielles). J’aime aussi beaucoup Sebastien Donnadieu avec qui j’ai passé la soirée jeudi soir : il m’a dit qu’il aimait comme activités honteuses, pourrir les forums de discussions de skateuses. Quand je l’ai connu, on l’appelait Captain Scarlett. Bien à toi, Renaud ». Voilà une vérité de rétablie, avant de commencer ce troisième compte-rendu, entre deux pschit-pschit dans la gorge et quelques gorgées de thé au miel.

La dernière soirée n’affiche pas complet, on a refourgué quelques invitations pour les nouveaux abonnés Chronic’art, mais c’est assez agréable de voir des concerts sans perdre dix kilos et toute l’eau de son corps. J’arrive à Mains d’Oeuvres et Sébastien me propose d’intervenir sur l’antenne de Radio Campus, qui couvre le festival. Comme je n’ai rien à dire, que je suis timide et que je suis en retard pour le concert de Zombie, je décline l’invitation, direction salle Fo, où Etienne Jaumet, saxo des Married Monk et collectionneur de synthétiseurs vintages, finit son set avec Neman, batteur de Herman Düne. Ces deux-là se connaissent depuis au moins dix ans et n’avaient jamais encore eu la bonne idée d’associer leurs talents : quelques lignes de synthé monophoniques sur une batterie krautrock. C’est chose faite avec Zombie, qui en est déjà à son troisième concert parisien en six mois, devant un public qui commence à être bien fan. J’arrive pour l’avant-dernier morceau, mais je connais plus ou moins la set-list : Etienne qui fait son kéké mégalo, sorte de Jean Michel Jarre cheap jouant sur un vieux Prophet et un Theremin fait main, Neman en lunettes Martin Rev et bandeau-éponge à la Vitas Gerulaitis, tapant comme un sourd sur ses fûts, Can meets Suicide meets Cosmodrome meets LFO meets John Carpenter meets Sonic Boom, ça fait peur, Zombie. Justement, pour le dernier morceau, Neman est très honoré d’accueillir son idole Sonic Boom, qui vient leur donner un petit coup de Theremin, avec force échos et delays, plongeant le kraut-electro de Zombie dans une torpeur post-rave plutôt réjouissante. Sonic Boom est plus jeune qu’on le croit, grand et maigre, gueule d’anglais et yeux cernés par les substances psychotropes. Marie Mounier, qui était chargée d’aller le cherche à l’aéroport me raconte : « Il m’a dit : « ils ont marqué sur le programme Sonic Boom plays The Spacemen 3, mais je m’en fous, moi je vais jouer mes trucs et voilà tout ». » Je suis impatient d’écouter ses trucs tout à l’heure.
En attendant, il y a Mr Quintron et Miss Pussycat qui jouent salle Mo, accompagnés d’un buzz sympathique. Mr Quintron joue du rock’n’roll, à l’ancienne et à l’orgue. Miss Pussycat chante et danse, et ne lâche plus ses maracas. Les prestations du duo, absurdes et débridées, sont plus proches du spectacle-performance que du concert de salon : une sorte de Rock’n’roll circus, avec marionnettes et déguisements, tout droit sorti du label Skingraft. Mr Quintron me rappelle Dèche Man mais en mieux, les petites marionnettes sont amusantes et l’electro-rock du duo fait taper du pied et remuer les fesses. Ca plait à tout le monde mais moi je commence à être fatigué, angineux, désagréable et je vais au bar. Là je croise Jérôme Laperruque en train de draguer outrageusement Annabelle de Feedback. Je lui dis : « Alors, encore en train de draguer outrageusement ? ». Il me répond « Arrête de me casser mon coup ». Et Annabelle ne sait plus trop quoi dire. Il m’en voudra gentiment le reste de la soirée, mais partira quand même avec son numéro de téléphone. Plus tard, assis à une table, on voit Benoît Rousseau parler avec une blondinette. Jérôme lui envoie un texto « Vas-y, tu vas la fourrer », le genre de blagues qu’il affectionne (avec ses sempiternels « C’est ce qu’elles disent toutes »). La tête de Benoît en train de lire son portable nous fait rire 2 minutes.

Bref, il est temps d’aller voir The Chap que j’attends comme le messie ou presque, sur la foi d’un album drôle et percutant, une sorte de rock déstructuré, plein de rebondissements électroniques, avec en filigrane une critique caustique de la société du spectacle du rock et de l’industrie discographique. Le quatuor fait merveille avec ses morceaux compliqués, super dansants, bourrés de petites lignes de basse sautillantes, de synthés analogiques rutilants et de guitares post-punk rentre-dedans. Le batteur très fort lance des séquences de beats et d’inserts électroniques qui redoublent les rythmiques tandis que le trio de tête ponctue ses phases instrumentales par des onomatopées super dynamiques, genre « Whoop whoop! » (leur tube). C’est assez débile, très gai (ils ont le sourire pendant tout le concert) et Marie Pierre Bonniol se déhanche langoureusement, ce qui fait plaisir à voir. Un des meilleurs concerts de la semaine et une vraie révélation (bientôt chroniquée sur ce site).

On boit un peu de Ricard, sponsor officiel de Chronic’art au Mo’Fo et je file ma démo (je cherche une maison de disque -ter) à Cyril Guillaneuf, qui m’a aidé à enregistrer les basses (chez lui, la pièce qui sert à enregistrer les voix est un placard dans la salle à manger : Daniel Darc et Thomas Boulard de Luke y ont passés quelques instants -mythique). Puis je me lance cinq minutes dans la salle Mo d’où proviennent quelques sonorités psychédéliques et analogiques : Sonic Boom a commencé son show.
Le « Sonic boom » est le bruit, assimilable à un coup de tonnerre, que provoquent les objets qui dépassent le mur du son… Voici donc le nom qu’a choisi le membre fondateur des regrettés Spacemen 3 pour se produire en solo. Complètement siphonné mais génial, et explorateur averti des mondes parallèles. En guise de show, Sonic Boom est tout seul devant quelques machines rétro-futuristes, Moog et Korg qui font face au public, le musicien lui tournant le dos. Il patche, tourne les cut-off, appuie de temps en temps sur un bouton, pour produire une drone continu, sorte de bourdon-mantra psychédélique subissant de subtiles mais fatigantes variations (un peu d’aigu de ci, une bassline de là). Dans la salle surbondée et surchauffée de Mains d’œuvres, surtout après le concert énergétique de The Chap, ce minimalisme fait vite suer, au propre et au figuré. On se lasse et on se casse.

Direction salle Fo, voir la délicieuse Julie Doiron, qui remercie trois fois à la fin de chaque morceau, qui chante de sa voix douce et brisée ses récentes chansons, accompagnée de Herman Düne au grand complet. Quand Goodnight nobody jouait la corde sensible, l’intimisme hivernal et le repli familial, sa prestation avec nos trois barbus préférés s’avère très rock’n’roll, accélérée, chantée plutôt que murmurée, très intense. Les deux frères Düne, à la guitare et à la basse, jouent beaucoup mieux avec elle que sur leurs propres morceaux, multipliant les parties instrumentales virtuoses, doublant les solis de guitares, créant une dynamique qui booste les morceaux. Julie semble ravie et parfois un peu dépassée par la tournure que prennent ses chansons de foyer, transformées en rock-songs efficaces. Elle finit sur un morceau à la guitare acoustique, émotif et sensible, tandis que le trio s’est doucement replié backstage. Chouette concert, très musical, plus ou moins improvisé, sincère, chaleureux. Tout le monde semble content d’être là.

Et la soirée se finit avec 45 minutes du même morceau progressif-nippon d’Acid Mothers Temple. Entre métal psychédélique et prog-rock, les japonais chevelus mélangent de groupes aussi antinomiques que Slayer et Stockhausen, Can et Metallica, qui auraient décidé de jouer simultanément dans un intense déluge sonore. Ce n’est pas pour nous déplaire, mais après trois jours de festival et de concerts non stop, c’est une peu too much pour nos neurones. Et nous disons au revoir à tout le monde, et à l’année prochaine. C’était un super festival, avec trop de monde et pas assez de ventilation, on reviendra. Prochains compte-rendus dans nos colonnes : la Route du rock, Benicassim. Bon été les amis.

Lire le compte-rendu de la soirée précédente (01.07.05) et celui de la première soirée (30.06.05)