Créé en 1984 par Monique Blin et Pierre Debauche, le Festival des Théâtres francophones de Limoges -édition 2000- marque l’arrivée d’un nouveau directeur : Patrick Le Mauff. Continuant dans la lignée des quinze années précédentes, celui-ci a concocté un programme éclectique, multicolore et riche en découvertes comme en retrouvailles.

Comme tous les ans, le festival permet à des artistes ayant en commun la langue française de se rencontrer. Le métissage, la création plurielle, l’ouverture pourraient être les mots d’ordre de cette fête pluridisciplinaire.
Programme des réjouissances de cette cuvée 2000 ? Jean-François Duroure présente une chorégraphie exécutée par des comédiens, musiciens, danseurs de la région des Balkans (La Paix-Bombardan) ; Christiane Véricel met en scène son propre texte (Plus beau que jamais) avec des comédiens du Cameroun, de Centrafrique, de Palestine, du Brésil et de Kabylie ; des ensembles venus du Bénin (Gangbé Brass Band), du Niger (Mamar Kassey), de Guinée (Trio Ba Cissoko) ou de Madagascar (Senge) prolongent quelques soirées en musique.

En ce qui concerne les spectacles théâtraux proprement dits, on peut remarquer certains thèmes récurrents -la guerre, l’exclusion- abordés ou suggérés de manières radicalement différentes : Rwanda 1994 mis en scène par Jacques Decuvellerie (Belgique) ; La Preuve d’Agota Kristof (Hongrie) mis en scène par la compagnie De Onderneming (Belgique) ; Le miel est plus doux que le sang de Simone Chartrand et Philippe Soldevilla (Canada-Québec) ; Nuit d’orage sur Gaza de Joël Jouanneau ; Mains vides contre kalachnikov de Célestine Atinklèmè (Bénin) mis en scène par Isidore Sossa Dokpa (Bénin) avec l’Ensemble artistique et culturel des aveugles et amblyopes (Bénin).

L’accueil des compagnies, auteurs, metteurs en scène de différents horizons n’est pas l’unique activité de ce festival, puisqu’il travaille à produire et même à susciter la création d’artistes venus des quatre coins du monde francophone.
Depuis sa naissance en 1988, la Maison des Auteurs accueille chaque année six à huit écrivains durant trois mois. A cette occasion, leur sont attribuées des bourses du Centre national des Lettres, de la Fondation Beaumarchais, du ministère délégué à la Coopération et à la Francophonie, de RFI ou du ministère de la Culture de la Communauté française de Belgique.

Parmi les écrivains ayant résidé à la Maison des Auteurs, on peut citer, entre autres, Slimane Benaïssa ou Wajdi Mouawad (en 1993), que les festivaliers retrouveront ultérieurement au sein de ce festival.
Sont présents cette année dans le cadre de la Maison des Auteurs : Maïssa Bey (Algérie) ; Geneviève Billette (Canada-Québec) ; Jean-Pierre Cannet (France) ; Ousmane Aledji (Bénin) ; Youssef Fadel (Maroc), Florent Eustache Hessou (Bénin). Fait important à signaler : le Festival des Théâtres francophones est associé à deux éditeurs -l’un, français (Le Bruit des autres) et l’autre belge (éditions Lansman)-, ce qui permet de mener jusqu’à son terme l’aide à l’écriture en direction des jeunes auteurs dramatiques. On sait en effet combien la publication, et donc la possibilité d’être lu, puis joué, est un sujet crucial et douloureux pour bon nombre d’entre eux.

Il est également le moyen de tisser des liens de fidélité avec des artistes, qui, année après année, viennent montrer leurs spectacles, (parfois pour une première représentation en France). Cette année, on a par exemple pu découvrir les textes de Wajdi Mouawad (Rêves), Simone Chartrand, Philippe Soldevilla, et Mohamed Kacimi, dont la première pièce, 1962, a été créée aux Francophonies de 1998. Présent cette année avec La confession d’Abraham (mise en scène Michel Cochet), cet auteur algérien, qui vit à Paris depuis 1982, aborde le sujet explosif des religions et des intolérances religieuses. Il fait parler un Abraham loin de toute querelle fratricide : « Nous sommes six milliards quatre-vingt-cinq millions trois cent vingt-sept mille huit cents. Moins nos deux poussières, bientôt, si le Seigneur ne ferme pas les yeux sur ce que je vais vous raconter. »

Teintée d’humour, sa « confession » renvoie dos à dos les fous de Dieu de toutes les grandes religions monothéistes et, avec finesse, sans didactisme, « met en lumière la dimension profondément humaine de la religion et du dogme construit, interprété, utilisé, célébré ou perverti par l’homme », dit Michel Cochet. Retraçant les différents épisodes de sa vie, Abraham nous parle directement, simplement… Ce presque jeune homme, porteur de l’histoire de l’humanité, confie ses révoltes, ses doutes, ses réflexions souvent pleines d’humour sur le monde d’aujourd’hui et d’hier, et ne recule devant aucun anachronisme.
La qualité du spectacle tient à une homogénéité parfaite entre écriture, mise en scène et interprétation. Subtil, plein d’humour, le texte est incarné avec beaucoup de finesse par Pierre Forest. La mise en scène, discrète, s’accorde à merveille avec les choix scénographiques et l’utilisation de la lumière. Il n’est guère étonnant de savoir que l’auteur et le metteur en scène n’en sont pas à leur première collaboration. Encore (1999) était déjà le fruit d’un échange artistique. Gageons que la fidélité de Mohamed Kacimi au Festival ne s’arrêtera pas là…

Bureau du Festival
11, avenue du Général-de-Gaulle – Limoges
Renseignements : 05 55 10 90 10
Jusqu’au 1er octobre 2000
http://www.fest-theatres-franco.com

La Confession d’Abraham (Tournée 2000)
St-Martin d’Hères
les 19 et 20 octobre 2000
Centre Wallonie-Bruxelles – Paris
du 25 au 28 octobre 2000
Fresnes
le 16 décembre 2000