Après une poignante poignée d’albums tous plus profonds les uns que les autres, plongez dans le monde perdu de Will Oldham, désormais Bonnie « Prince » Billy.

Où l’on pensait rencontrer un triste sire comme on l’imaginait à l’écoute de ses œuvres de jeunesse et c’est un joyeux luron qui est face à nous. Où l’on croyait dur comme fer à l’autisme de cet Américain des plaines du grand sud (il est originaire du Kentucky) et c’est un homme affable et jouant sur les mots qui s’inquiète de savoir comment on reçoit sa musique au pays de Piaf et de Gainsbourg.
On avait décidément tout faux à la seule audition de l’œuvre prolixe de Will Oldham -Palace, Palace Brothers, Palace Music, Palace Songs- et nouvellement, pour un nouvel album à sortir (dont on vous dit du bien dans les pages critiques) Bonnie « Prince » Billy.
Alors Will, ces changements de nom, un jeu ou une schizophrénie galopante ? « Les deux à la fois ! C’est sûrement un jeu, mais je suis indéniablement schizophrène. Je fais des disques qui sont un mélange de jeu et de schizophrénie mais aussi de désir d’exprimer un certain état d’esprit et des sentiments personnels. »
Au moment où les ténors de la country (comprenez ce gros con de Garth Brooks auprès duquel Will Oldham aimerait pourtant tant être classé chez les disquaires) jouent à Johnny Hallyday dans des stades et distillent des textes mièvres et insipides (comme leurs congénères féminines de la trempe de Shania Twain, sûrement bonne à quelque chose mais pas à chanter !), Bonnie « Prince » Billy joue toujours à cache-cache… « En concert, je peux jouer avec le groupe et prendre le nom de Will Oldham et jouer en solo sous de nom de Palace. J’essaie de brouiller les cartes afin que le public soit toujours surpris. » …au dépouillement et à l’économie de moyens entre deux découvertes musicales. « Je ne suis pas un grand amateur pour ce qui est de chiner à tout prix dans les magasins de disques quand je suis en tournée. Je ne cesse pourtant d’enrichir ma collection de disques dès que je peux trouver une rareté à bas prix comme cet album de Kevin Coyne déniché quelques dollars en Australie pendant une tournée de plusieurs dates. » Les plus belles pièces de cette collection ? « Je n’ai pas ce qu’on appelle des belles pièces. C’est plutôt la découverte qui m’intéresse. Je procède par évolution successive dans un genre donné. J’ai notamment découvert Serge Gainsbourg dans une petite échoppe en plein désert et c’était certainement plus fort comme expérience que pour vous qui le connaissez quasiment depuis le ventre de votre mère. Je crois très fort à la richesse engendrée par le manque, l’éloignement et la surprise. Rien n’est plus marquant pour moi que la découverte d’un disque dont je ne soupçonnais même pas l’existence. »

Propos recueillis par

Bonnie « Prince » Billy sera en concert au Café de la Danse le 24 janvier 1999
Lire notre critique de l’album I see a darkness