C’est elle-même qui le dit, la ménagère de moins de cinquante ans l’a découverte il y a trois ans dans la saga-fleuve de l’été… Les yeux d’Hélène ! Aujourd’hui, on retrouve Claire Keim coup sur coup dans deux films très « typés », celui de Xavier Durringer, J’irai au paradis…, et Barracuda, de Philippe Haïm (le 29 octobre). Et, tous les soirs sur les planches, aux côtés du Libertin/Giraudeau*. Début de parcours d’une jeune première de notre temps.


Tête de l’art
: Conservatoire, cours dramatiques… vous avez suivi le parcours classique de la jeune comédienne ?

Claire Keim : Non, pas du tout. Excepté un stage d’été à l’incontournable cours Florent -j’avais à peu près 14-15 ans-, c’est le hasard qui a fait les choses, comme souvent, non ? À 16 ans, j’ai rencontré un mec qui travaillait sur la comédie musicale de Jean-Jacques Debout (Paul et Virginie). Il m’a demandé si je savais chanter, danser, etc., et j’ai répondu oui, au bluff, sans réfléchir un quart de seconde ! Et ça a marché ! Je suis arrivée pour des essais devant Jean-Jacques, sans aucun a priori, totalement vierge et au milieu de plein de « vieilles chanteuses »… et c’est moi qu’il a choisie ! Il a fallu que je bosse chant et danse pendant six mois, et puis c’est parti pour cinq mois de spectacle…

Et très vite, il y a eu la télévision…

Oui, j’ai tourné dans cette série de téléfilms qu’a produite Chantal Poupaud pour Arte, « Tous les garçons et les filles », L’incruste, d’Emilie Deleuze. Et puis, é-vi-de-mment, Les yeux d’Hélène… Dix mois de tournage, une quasi vie de cirque, où tout va très vite… C’est quand même une bonne école, mais pour recommencer aujourd’hui, il faudrait vraiment que le sujet me botte ! Mais bon, c’est vrai aussi que ça ouvre certaines portes, on se fait connaître des producteurs, des décisionnaires…

Et vous êtes récompensée par le Petit Marguery de Laurent Bénégui…

Ah oui ! C’était vraiment un beau cadeau, un film un peu décalé, très bien écrit aussi… Il n’a pas eu tout l’écho qu’il méritait, c’est dommage, mais en tout cas, je serais très heureuse de retrouver Bénégui sur un prochain projet.

Après Bénégui, Savary et le théâtre… le contraste n’était pas trop rude ?

Non, vous savez, Savary, moi, j’en avais conservé le souvenir du Magic Circus. Il a cette réputation d’un type un peu dur, autoritaire, mais en fait… il a peur des femmes, alors on arrive à se faire entendre facilement ! Et puis la pièce de Wilde (L’importance d’être constant) est vraiment magnifique, et entre Rupert Everett, Clotilde Courau ou Danièle Lebrun, tous formaient une troupe complètement hétéroclite et totalement géniale. On s’est beaucoup amusé…

Comment avez-vous rencontré Xavier Durringer ?

Par la voie la plus classique, celle du casting. En guise d’essai, il m’avait demandé de chanter Blue moon, de Presley, devant Jean Miez (le co-scénariste du film, ndlr) et lui. J’ai préféré chanter un truc à moi, et j’ai été engageé. Même si le personnage ne m’était pas forcément destiné a priori

Vous aviez vu son premier film ?

Non, je le connaissais surtout au théâtre. J’adorerais y jouer pour lui, d’ailleurs. C’est quelqu’un qui m’impressionne vraiment : il a un univers très personnel, et une écriture superbe.

Comment le tournage de ce film noir -et d’hommes- s’est-il déroulé ?

Magnifiquement ! Brigitte Catillon (l’autre personnage féminin du film, ndlr) et moi, on était chouchoutées en permanence. Xavier avait réuni toute l’équipe du film quinze jours avant le début du tournage, ce qui nous a permis d’apprendre à nous connaître. Et puis, hors plateau, on s’est tous serré les coudes, c’est un film tellement noir… Je suis extrêmement fière d’être entrée, comme ça, dans le clan Durringer. Et extrêmement fière du film, aussi, comme de Barracuda, d’ailleurs…

C’est un huis clos très oppressant. L’ambiance du plateau était à l’image du film ?

Oh oui, l’ambiance était extrêmement tendue, quasi recueillie, surtout pour les deux personnages principaux du film (Jean Rochefort et Guillaume Canet). Certaines personnes craquaient régulièrement. Mais Philippe Haïm savait exactement ce qu’il voulait, tant dans sa mise en scène que dans sa façon de nous diriger.

Comment trouvez-vous le résultat final ?

Très beau. En même temps, c’est un film glacial, qui fait un peu l’effet d’une plaque de réfrigérateur collée sur la langue et qu’on arracherait trop vite ! Et puis, il délivre un message important, me semble-t-il, et qui peut déranger : la solitude, ça peut mener très loin… Et dans cet univers très noir, comme chez Durringer aussi, mon personnage est comme un petit soleil…

Aujourd’hui, vous jouez au théâtre, dans une pièce qui triomphe depuis plusieurs mois…

Oui, et là, c’est un vrai bonheur à jouer. Et un éternel recommencement, aussi, parce que le trac est là tous les soirs, quoi qu’on fasse, dès que la rumeur de la salle commence à monter… J’adore cette sensation, et j’espère bien pouvoir alterner théâtre et cinéma le plus souvent possible !

Quels sont les metteurs en scène que vous aimeriez vite rencontrer ?

Oh, il y en a plein… Chabrol, Klapisch, Kassovitz, des Italiens aussi, comme Tornatore.

Si je vous demande un film, et un parcours de comédien(ne), que vous admirez particulièrement ?

Le film, ce serait La règle du jeu de Renoir, que j’ai vu pendant le tournage du Bénégui. Ils ne sont pas sans points communs, d’ailleurs, tous les deux… La comédienne, Jeanne Moreau. En voilà une qui a tout compris, et qui n’est pas complètement déglinguée du citron ! Et Dieu sait que ce doit être dur de conserver ses marques, ses repères ; parce que le cinéma, c’est aussi un milieu complètement…!

Propos recueillis par

*Le libertin, d’Eric-Emmanuel Schmidt. Théâtre Montparnasse.