Reconverti en chanteur folk après une vie d’errance ponctuée de divers boulots, Jim White a livré l’été dernier le superbe Wrong-Eyed Jesus !(Luakapop/WEA). Il sera l’une des têtes d’affiche du prochain festival des Inrockuptibles (le 7, au Divan du monde, à Paris, et le 9 à Lille, à l’Aéronef).

Tête de l’art : Avez-vous un souvenir précis du moment où vous avez décidé de chanter ?

Jim White :Dès l’âge de quatorze ans, je me suis mis à chanter des chansons de Neil Young, à reprendre des standards des Temptations, des titres de la Motown. A l’époque -je faisais alors partie d’une communauté pentecôtiste, une religion populaire-, je regardais une émission de gospel à la télévision. Elle était consacrée à la musique des Appalaches, une sorte de gospel blanc. Les influences country, l’écoute de Hank Williams, sont venues plus tardivement.

Quels objectifs vous étiez-vous fixés pour l’enregistrement de l’album ?

Ils étaient très simples : rendre suffisamment sensibles toutes les idées qui me traversaient l’esprit. J’ignorais à peu près tout en arrivant en studio. Les chansons étaient nues, plutôt des bases même, sans instrumentation. C’est sur les indications de David Byrne, qui avait écouté une cassette que j’avais adressée à son label, que la production s’est mise en place, notamment par l’apport de musiciens expérimentés.

Comment ces chansons vous sont-elles venues ?

A l’époque où elles ont été composées, mon esprit était très confus. Je n’étais plus vraiment sûr de ce que je voulais. J’avais traversé des périodes assez sombres. Je venais de quitter New York, où je travaillais pour des productions cinématographiques, pour revenir m’installer dans le Sud. Et puis j’ai pu réaliser ce qui n’était alors qu’un rêve : enregistrer cet album.

Y a-t-il une chanson-clé dessus, un titre qui donne une ligne directrice à l’ensemble ?

La mélodie de Sleepy-Town, avec son chant à deux voix. J’ai ressenti en l’enregistrant une forme de justesse que l’on éprouve rarement dans sa vie.

Est-ce que vous vous sentez proche de groupes comme Lambchop ou 16 Horsepower ?

David Byrne m’a fait découvrir Lambchop et ma petite amie 16 Horsepower. Lorsque j’ai écouté pour la première fois Lambchop, je me suis demandé comment ils pouvaient écrire et orchestrer de telles chansons. J’étais très impressionné. A tel point que je cherchais parfois à sonner comme eux en studio.

Wrong-Eyed Jesus ! est un disque très âpre, comme peuvent l’être les romans des écrivains du sud des États-Unis. Vous ont-ils inspirés ?

Comme tout un chacun, je suis tombé très tôt sur des œuvres qui ont sensiblement modifié ma vision des choses. Tout ce que je n’arrivais pas à formuler se trouvait là, dans les livres de Flannery O’Connor ou de Cormac McCarthy. Je me suis toujours senti attiré par une forme de spiritualité. Les racines du Sud, sa religion ont nourri mon esprit. Cette dualité, le côté à la fois dévot et corrompu de ce pays, comment ces deux choses cohabitent, est un thème récurrent dans mes chansons.

Quel musicien aimeriez-vous être ?

J. J. Cale, ou Tom Waits, pour lesquels j’ai une grande admiration. Ils possèdent une voix et créent des atmosphères singulières sur leurs disques. Ce sont des modèles.

Propos recueillis par