A la sortie de l’album précédent, This is normal, la presse décrivait Gus Gus comme un collectif. Et pour cause, ils étaient neuf membres… Aujourd’hui, ils ne sont plus que quatre et balancent sur nos platines un disque de pure techno minimaliste.

Chronic’art : Tout d’abord, où as-tu appris le français ?

Stephan Stephensen : A Paris, où j’ai vécu il y a quelques années.

Gus Gus vs. T-world est un album très ambitieux.

Pour nous, ce n’est pas le troisième album de Gus Gus mais plutôt un projet à côté. L’album est instrumental, alors que nous avons des chanteurs, mais les chansons ont été composées entre 1993 et 1995, avant la formation de Gus Gus. On les a éditées et reprises.

Au départ, tous ces morceaux étaient conçus comme des instrumentaux ?

Oui. A l’origine, chaque morceau durait de 20 à 30 minutes. C’était plutôt des voyages musicaux que des chansons. Sur l’album, on les a concentrées.

Que s’est-il passé chez Gus Gus depuis la sortie de This is normal, l’album précédent ?

Nous sommes quatre membres maintenant, alors que nous étions neuf au départ. On peut dire qu’on a concentré le groupe comme on a concentré nos chansons ! Magnus Jonsson, Stephan Arni, Baldur Stefansson sont partis. Ils avaient tous envie de mener à bien leurs propres projets. Magnus est en train de sortir un disque en solo, il fait du disco et le résultat est superbe. Hafdis Huld est partie aussi. Ces changements ont été une bonne chose pour tout le monde. Ceux qui sont partis ne reviendront pas, c’est impossible. Maintenant, nous voulons nous concentrer sur le son et sur les visuels et je crois que ces 4-5 années à neuf personnes ont été suffisantes. C’est difficile d’avoir une si grande famille ! Gus Gus était une démocratie. Ca a marché pendant quelques années et nous en étions contents, mais…

Une nouvelle ère commence pour le groupe.

Exact.

L’album reflète-t-il une nouvelle direction que Gus Gus va suivre ?

Je ne sais pas, mais j’ai l’impression que le troisième album du groupe, sans parler de celui-ci, sera peut-être à 40 ou 50 % instrumental. C’est une partie très importante de ce qu’on fait. On a besoin d’espace. Daniel continuera à chanter, bien sûr. Si tu veux mon avis, les morceaux chantés ne m’intéressent pas. On a envie de tendre vers des choses plus expérimentales et dangereuses. Mes titres préférés sur l’album précédent étaient Blue mug et Snoozer. J’aimais les rythmes de ces deux-là, ils étaient différents, les autres chansons étaient plus dans un genre classique. Le beat de Snoozer partait dans tous les sens, et Blue mug avait un côté jazzy. J’aimais ces expérimentations sonores. On a créé tout ça sur le synthétiseur puis on a utilisé des samples de batteurs archivés en studio.

Qu’est-ce que T-world ?

C’est le groupe que Biggi Veira et Herb Legowitz avaient formé il y a cinq ans, à l’époque où ces morceaux ont été écrits. Moi, je suis intervenu pour les aider à construire l’album, à éditer tout ça. C’est pour ça que c’est le son de Gus Gus et les chansons de T-world. Il n’y a pas de bataille en fait, malgré le vs du titre. Dans la musique, il y a une collaboration véritable, sans lutte.

Quelles ont été les premières réactions à l’écoute de l’album ?

Les gens qui connaissent bien la musique, qui sont intéressés par la techno, la house, l’apprécient, reconnaissent le son de cette période et y trouvent de la fraîcheur. Ce disque aurait pu être écrit hier. C’est ce qui nous plaît. Il y a eu aussi beaucoup de gens surpris, mais ouverts.

Pas d’inquiétude face aux fans qui suivront ou non ?

Je ne sais pas, on est tellement isolés dans notre petit pays, là-bas au Nord. On ne se pose jamais ces questions-là. On fait ce qu’on a envie de faire. On continue à suivre nos instincts. Je ne pourrais pas procéder autrement. C’est la mentalité des Islandais : on est très directs, on est décidés. L’Islande, c’est une île qui vit. Il y a des éruptions, le vent change sans cesse de direction, la terre te parle tout le temps et tu es très en contact avec la nature.

Ca explique les photos d’herbe à l’intérieur de la pochette…

Oui, c’est un peu le concept du disque. En Islande, on stocke l’herbe sous vide, dans nos maisons chaque hiver, pour nourrir les animaux. La pochette représente le plastique en rouleau qu’on utilise pour ça. Et à l’intérieur du disque, il y a de l’herbe, comme il y en a dans ce plastique sous vide. C’est pareil pour le disque : tu le mets dans le lecteur laser et à l’intérieur il y a la musique. C’est tout simple cette pochette : c’est un objet de nature. On va avec les animaux… (rires).

Ca se passe comment le travail à quatre ?

On n’a pas changé nos méthodes. On avait l’habitude de bosser sur nos idées par équipe de deux ou tout seul dans son coin. Siggi Kjartensson réalise toujours des films et des publicités. Il vient d’en terminer une pour Nike, pour le marché international. Nous en avons écrit la musique, ça devrait sortir en août. Biggi et moi faisons de la musique ensemble. Je prends aussi beaucoup de photos. J’ai deux bouquins qui vont sortir, qui sont bientôt prêts. C’est moi qui ai fait la pochette du disque d’ailleurs. Mon travail de photographe est de cet ordre : je privilégie les gros plans, je prends des photos des différents types de neige, je fais du portrait, je saisis ce qu’il y a autour de moi. Je ne cherche jamais à photographier quelque chose de précis. Je vis et je photographie.

La folie du reste de l’Europe pour l’Islande s’est-elle enfin calmée ?

Ca te fatigue aussi ? L’engouement ne s’est toujours pas calmé. Emiliana Torrini vient de sortir un très bon album et comme à chaque fois qu’un truc sort d’Islande, tout le monde se jette dessus.

De quelle façon vont se dérouler les nouveaux concerts ? Avant, il y avait trois personnes qui dansaient sur le devant de la scène et les machines au fond…

Là encore, il y a un retour aux bases. Désormais, nous sommes deux sur scène, on se place devant des écrans, sur lesquels on projette des diapositives. C’est très simple, comme l’est l’album. Il y a aussi des projections de collages, que j’ai réalisés en collant des photos manuellement, sans utiliser l’ordinateur. Lors de notre dernier concert à Paris, les gens dansaient, il y avait une bonne ambiance. La tournée instrumentale va être très facile à gérer. Avant, il y avait plus de monde autour de nous, c’était beaucoup moins mobile. Pendant le concert, on ne joue qu’une chanson extraite de l’album. Le reste est constitué de nouveaux morceaux qu’on présente pour voir les réactions du public. Ca change tous les soirs, on improvise beaucoup. On peut dire que c’est un retour à la base, on est old school…

Que penses-tu de cette tendance qui transforme les DJs en héros ?

Je trouve ça normal. Faire un bon mix est difficile. Les DJs sont des musiciens, qui improvisent et composent à partir des chansons des autres. Et puis avoir un héros est toujours positif, quel qu’il soit. Ca m’arrive d’être DJ, je viens de faire un mix pour une radio ce matin. Je prends cette activité comme un hobby. Au départ, je suis photographe. En fait, je fais plein de choses et j’ai du mal à les classer à la longue. Comme les autres ont du mal à mettre Gus Gus dans une catégorie ! Enfin, les maîtres-mots pour le groupe sont cinéma et musique. On aimerait d’ailleurs sortir un long métrage, qui serait réalisé de A à Z par nous, avec nos images, notre musique. C’est un projet sur lequel on travaille. On ne sait pas encore si ce sera de la fiction ou un documentaire. Siggi a des idées, mais pour moi, les genres doivent être mélangés. Comme les supports : vidéo, film, photo…

Vous avez donné un morceau pour une compilation au profit du Tibet.

Je ne me rappelle plus les détails… Je me souviens qu’on a immédiatement accepté, mais je serais même incapable de nommer le morceau. On suit un peu ce qui se passe au Tibet, même si on n’est pas au courant de tout. Si je dois faire un exposé sur la question, il faudra que je me renseigne. J’aime bien ce que les Beastie Boys font tous les ans avec Free Tibet.

Comment s’est déroulé le live chat qui avait lieu hier soir ?

Très bien. On n’était pas très nombreux, cinq ou six personnes, je crois. C’est une bonne façon de rencontrer les fans. Au contraire d’une interview, ça partait dans tous les sens, il y avait beaucoup de questions tournant autour du sexe. Comme d’habitude. C’est normal… On a passé une heure, une heure et demie à discuter ensemble.

Quelle est ta relation avec Internet ? Tes sites préférés ?

Pour moi, Internet est surtout une façon de communiquer. Il y a des sites que j’aime. Mon préféré, mais je ne me souviens pas du nom, passe des publicités nouvelles qui vont sortir. C’est super intéressant. Il y a des pubs qui ont été primées. J’adore aussi le site de Kraftwerk.

Propos recueillis par

Lire notre critique de Gus Gus vs. T-World de Gus Gus
Voir le site officiel du groupe, et jetez donc un œil sur les photos de Stephan