Aki Nawaz est passé maître dans l’art de combattre toutes les formes d’intégrisme. Alliant un discours fort à une musique survitaminée, il pense toujours que la sagesse pourra triompher. En attendant, le lutte musicale continue. Morceaux choisis.


Chronic’art : Comment en es-tu venu à faire de la musique ?

Aki Nawaz : Je suis venu à la musique par le punk, en 1977. Le premier groupe que j’ai adoré, c’était bien sûr les Sex Pistols. Je me rebellais également contre mon milieu et mon éducation -l’Asie- et contre la société anglaise dans son ensemble, j’étais rebelle à toute forme d’autorité. J’ai ensuite été batteur dans la première mouture de The Cult, Southern Death Cult. La scène punk a fait toute mon éducation musicale.

T’es-tu toujours considéré comme un rebelle ?

Eh bien, j’ai toujours eu mes propres idées, ou opinions, mais j’ai, j’espère, su garder l’esprit ouvert. En tout cas, je n’ai jamais pensé dans des termes négatifs. Je suis peut-être un rebelle, parce que j’ai toujours pensé qu’un système, quel qu’il soit, devait être combattu de l’extérieur et pas de l’intérieur. Il y a tellement de gens biens qui se sont fait avoir, qui sont rentrés dans ce système. Le système, la société est beaucoup trop rigide ; c’est comme une maison. Ce que vous devez faire, c’est être dehors et balancer une pierre à l’intérieur.

La politique, c’est une suite logique pour toi ?

Au moment du punk, avec Southern Death Cult, nous étions déjà très engagés. Nous soutenions, par notre musique, par des concerts, des tas d’associations antiracistes…

… Mais le mouvement punk n’était pas très constructif, il voulait surtout détruire…

Oui, c’est vrai. Pour pas mal de gens, être punk, c’était une mode, un passe-temps. Pas pour moi. Je voyais le mouvement punk comme une philosophie, une manière d’être en dehors de la société, de mon propre milieu social. J’ai rejeté la politique en tant que telle très jeune, car mon père était très engagé politiquement. A trois ans, il m’emmenait à des meetings politiques ! Et puis, j’ai découvert des gens comme Malcolm X, les Black Panthers. Il y avait bien sûr un aspect romantique dans tout cela. Mais ce qu’il disaient trouvaient une certaine résonance en moi, je connectais cela avec des problèmes que je connaissais en Angleterre ; principalement le racisme. Mais je n’ai pas de problèmes particuliers vis-à-vis de la politique? La politique est partout, pas dans son sens premier, mais elle est partout. Tous les bons artistes sont politiques : les Doors, les Beatles et surtout John Lennon. Tous ceux qui utilisent leur art comme un moyen de protestation font de la politique.

Et l’engagement des intellectuels ?

Je suis revenu de tout ça. La plupart des intellectuels engagés sont devenus des conseillers des gouvernants. La plupart des intellectuels ne pensent pas de façon positive…

Que signifie le titre de ton album, Erotic Terrorism ?

Il joue sur deux idées ? D’abord, le terrorisme. Pour dire les choses simplement, si Jésus revenait aujourd’hui, je crois qu’il serait un terroriste. Il se serait pas senti très mal dans notre société, il aurait violemment combattu toutes les formes d’injustice. Regarde pour Nelson Mandela : pendant des années, il a été considéré comme un terroriste, et maintenant il est président de la République. Che Guevara, c’est pareil : c’est une idole, un saint maintenant. Et pourtant, ces gens là avaient de bonnes idées. Je ne parle pas d’action violente bien sûr, mais de mots. Et les gouvernements en place ont eu beau jeu de les diaboliser.

Pour ce qui est de la charge érotique, il suffit de penser aux hommes politiques d’aujourd’hui. La plupart ne sont pas violents physiquement, mais ils ont des agissements qui engendrent la violence. Je pense en particulier à tous les trafics d’armes qui ont lieu. Et des ces actes là, les hommes politiques retirent une certaine forme de pouvoir, de puissance et de satisfaction que l’on peut assimiler à des pulsions sexuelles.

Penses-tu que ta musique peut servir à éduquer efficacement les gens ?

Non, mes moyens sont trop limités. Mais je continue et je continuerai à utiliser mon petit espace de liberté pour véhiculer des messages positifs. Ce qui est dommage, c’est que la musique a perdu une bonne partie de son pouvoir d’influence. Moi, je suis passionné par ce que je fais, et je hais la haine. Je crois que je pourrai m’impliquer plus avant dans une certaine forme de lutte sociale, et faire du terrorisme mental positif !

Propos recueillis par