Du 9 au 12 juin, Angoulême accueille comme chaque année les musiques d’ailleurs. Affiche grandiose pour un quart de siècle d’existence. La programmation incarne plus que jamais une passion d’homme : celle de Christian Mousset, maître d’œuvre indiscutable de ce rendez-vous charentais.

Vingt-cinq éditions, autant d’années de consécration pour un festival jazz à l’origine, devenu « rendez-vous incontournable des musiques du monde en France » par la force d’une conviction. Affaire d’homme, affaire de passion. Mousset, initiateur en 1983 d’une passerelle martiniquaise entre « jazz et musique populaire », n’a pas hésité à faire le double pari d’un festival, où se dessinent quelques-unes des principales tendances qui nourrissent la France multiculturelle, en matière de musiques d’Afrique, de l’océan Indien et des Caraïbes. Défricheur de talent, Christian Mousset est un passionné du genre. Sa collection « Indigo » chez Label Bleu provoque des envieux.

Nouveaux talents, grosses pointures, et vice versa… il sait miser sur les deux en toute confiance. « Je fonctionne au coup de cœur », dit-il. Prendre des risques sur des artistes complètement méconnus ne l’effraie pas. Convier des têtes d’affiche à leurs côtés lui permet de mieux lancer la machine. Spéculer sur le temps est son meilleur atout. Avec le temps, le public est devenu plus friand, plus exigeant aussi dans ses choix. Avec le temps, la liste des partenaires, qui lui donnent les moyens de réaliser ses rêves, s’est sérieusement élargie. Avec le temps, les découvertes d’hier sont devenues des valeurs sûres. Il a su jouer les bons numéros. Simple affaire de goût. Dans son enfance, Mousset a toujours eu un penchant pour les musiques qui traversaient les océans à coup de tragédies. Les musiques noires de l’Amérique blanche l’ont conduit à l’Afrique, qui l’a fait repartir sur d’autres mers. Et le voyage ne s’est plus arrêté depuis…

Musiques traditionnelles ou urbaines, populaires ou savantes, ses programmations répondent toutes à un principe essentiel : l’équilibre dans tout. Il faut certes coller à l’air du temps, mais il faut aussi donner à voir ce qui ne s’entendra pas ailleurs. On défend le patrimoine, on anticipe sur des tendances actuelles et futures. On fait renaître des vieilles passions, on en crée de nouvelles. On satisfait le plus grand nombre, on surprend la minorité de mélomanes endurcis. Un pas d’un côté, un pas de l’autre. Le reste est affaire de budget ensuite. Cette année par exemple, « la scène acoustique » est passée à la trappe, avec une dizaine environ de concerts déprogrammés pour raisons budgétaires. Parmi les artistes concernés par cette coupe claire, les Cubains de La Familia Valera Miranda, l’Algérienne Souad Massi et les Malgaches de Feo Gasy…

Faut-il s’en plaindre ? N’exagérons rien. Vendredi 9 juin, on pourra écouter Youssou N’dour, partageant la scène du Grand Chapiteau avec le Super Rail Band de Bamako et le vieux Wendo Kolosoy. Ti-coca, M’bady Kouyaté et la fanfare Ciocarla seront au Mandingue. Samedi 10, il y aura Solo Chérif, Kan’Nida, Mama Sissoko, Dwayne Dopsie, Dédé St-Prix, ainsi qu’une soirée spéciale consacrée aux talents féminins (avec Anne-Marie Nzié, Rokia Traoré, Mahotella Queens et Cheikha Remitti). Dimanche 11 juin défileront sur les deux scènes de l’île des Bourgines Faadah Kawtal, Hasna El Bécharia, Chris Combette, Geoffrey Oryema, Régis Gizavo et Lénine entre autres prévisions. Lundi pour la clôture, viendront Energie Crew, les Zotto Boys, Ballaké Sissoko et Seba, ainsi que la soirée océan Indien (avec Baster, Daniel Waro, Gramoun Lélé, Firmin Viry et Jaojoby). Comment se plaindre, après ce bouquet ? Cette année encore, les Musiques Métisses nous le confirment : Angoulême est une scène incontournable pour les musiques du monde en France. Pourvu que ça dure…

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