Le quatuor de Brighton revient avec Axes, disque essentiel qui prend à la fois la température du monde et du rock -ou du moins ce qu’il en reste. On les aime, on les a interviewé l’an passé pour The Power out. On les retrouve, donc.

Chronic’art : Ce nouvel album, Axes, semble commencer là où s’achève le précédent, The Power out ; est-il sa suite logique ?

Verity Susman : Oui et non. Je le conçois plus comme la synthèse de nos deux premiers disques, mais surtout comme le disque que nous essayons de faire depuis que nous avons créé Electrelane.

Vous l’avez enregistré à nouveau à Chicago, toujours avec Steve Albini ; avez-vous employé les mêmes stratégies d’enregistrement ?

Cette fois-ci, on a joué et enregistré ensemble, alors que précédemment, la batterie était enregistrée dans une pièce séparée. On perçoit cette séparation dans The Power out, on ne voulait pas répéter cette erreur et jouer vraiment ensemble, être à l’écoute les unes des autres, conserver un état d’attention perpétuel.

On a l’impression que certains morceaux ont été créés en studio, lors de jam-sessions (If not now when ?)…

En réalité, on a développé et joué quelques titres en tournée pendant presqu’une année avant de les enregistrer. Mais on essaie, à chaque fois, de garder cette énergie propre à l’improvisation, en modifiant des structures, la durée de l’interprétation… en travaillant le morceau en permanence, avant d’en saisir la version la plus satisfaisante. Lors de notre première session d’enregistrement, on a joué toutes les chansons que nous avions et on a gardé trois titres de cette prise de son. La plupart de nos premières prises ont été les meilleures.

Aviez-vous achevé l’écriture avant d’enregistrer ?

Non, Business or otherwise, par exemple, on l’a fait en studio… I keep losing heart était à moitié commencée… En fait, on s’est donné plus de marge que sur The Power out, où tout était quasiment bouclé avant l’enregistrement. Mais on a beaucoup joué ces nouvelles chansons en public…

Mia Clarke :… ce qu’on n’avait pas fait pour celles de The Power out, et après-coup, en réécoutant cet album, on s’est aperçu qu’on aurait dû le faire.

Aviez-vous envie d’approfondir certaines idées ébauchées, comme la présence du chœur par exemple ?

Verity : Oui, nous avons pu achever I keep losing heart en reprenant le choeur, uniquement masculin cette fois. On sentait intuitivement que ça s’intégrerait vraiment bien à la structure du morceau. Et dans la partie finale de Suitcase, je devais chanter à l’origine les paroles, mais le choeur apporte une dimension bien plus forte.
Aviez-vous l’intention d’enregistrer un disque « politique » ? Axes est un titre plutôt ambigu (« haches », mais aussi relatif à une situation de licenciement, de rejet social)…

Vu la situation mondiale actuelle, certainement, mais pas d’une manière explicite.

Oui, on sent que cette colère passe davantage dans la musique elle-même que dans un aspect ouvertement contestataire… A ce sujet, pourquoi avoir repris The Partisan, la version que Leonard Cohen a faite de cette chanson résistante française ?

On aimait cette chanson, tout simplement. On l’a jouée durant notre dernière tournée américaine, et elle a pris une résonance particulière : d’un côté, l’armée américaine en Irak assiégeait Falloujah, de l’autre, aux Etats-Unis, c’était la campagne présidentielle, beaucoup de personnes se mobilisaient contre la réélection de Bush…

C’est curieux, vos reprises (I’m on fire de Springsteen, More than this de Roxy Music, Cohen…) sont des chansons créées par des hommes… Est-ce délibéré ?

Non, là encore, on aime ces chansons, au-delà de leurs interprètes… Mais je me suis demandé comment les chanter, et comment je les chanterais si j’étais un homme.

N’êtes-vous pas agacées d’être d’abord considérées comme un groupe de filles ou de lesbiennes militantes, plutôt que comme un groupe de rock’n’roll ?

On ne peut malheureusement pas changer l’image que certaines personnes ont de vous, c’est frustrant d’être perçu avant tout comme un groupe de filles, ça altère la perception de notre musique, qui compte plus pour nous que notre sexe ou notre orientation sexuelle… On ne qualifie pas les groupes dont les membres sont masculins comme groupes de mecs ! Ca me rappelle une chronique de notre premier single qui finissait ainsi : « Pas mal pour des filles !  » (rires).

Le rock’n’roll n’a pas de sexe ! (rires). De quels groupes vous sentez-vous proches, aujourd’hui ?

Mia et Verity : The Ex ! On a tourné avec eux et on se sent vraiment en phase, en termes d’éthique de travail, d’approche de l’improvisation, de son…

(A Mia) : Tu chroniques régulièrement des disques pour The Wire, est-ce que ça influe sur ta participation dans Electrelane ?

Mia : Non, je considère ça comme un travail, séparé du processus de création.

Verity : Nous avons toutes des influences et des goûts différents, qui influent plus ou moins, je pense, sur notre travail collectif de composition.

Quels sont les disques qui vous ont enthousiasmé, récemment ?

Verity (réfléchissant) : Devendra Banhart, que j’ai commencé à écouter récemment, en fait… Je ne sais pas s’il est très connu en France ?

Mia : A Hawk & A Hacksaw.

Espérez-vous publier des disques d’autres artistes sur votre propre label, Let’s Rock Records, un jour prochain ?

Verity : Oui, dès qu’on en aura les moyens ! Si on vend suffisamment de disques ! (rires)

Propos recueillis par

Lire notre chronique de Axes