El Boy Die, récemment en concert à Paris (Nouveau Casino), après un intermède fructueux à Montréal au Canada, rapporte dans ses valises The Black hawk ladies & tambourins, nouvel album de folk progressive, dirons-nous, où les fantômes des Amérindiens chantent sur les guitares en coulée de laves d’aujourd’hui. Grand pont entre les époques et les continents. Interview du garçon.

Chronic’art : Peux-tu rappeler ton parcours de musicien ?

El Boy Die : J’ai débuté la musique à l’âge de 17 ans dans une formation punk-rock sous le label Total Heaven. Puis vers 21 ans, je suis parti habiter à Bordeaux pour y commencer un nouveau projet : El Boy Die. J’ai joué avec beaucoup de musiciens de la grande époque du club le Jimmy, dont certains membres du groupe Friction et beaucoup plus avec Julien Pras ou David Lespes (Calc / Pull). J’ai eu le plaisir d’enregistrer avec Kim et d’avoir Dechman du groupe Déche dans face sur un grand nombre de mes chansons. En 2000, je me suis installé à paris ou j’ai rencontré Herman Dune et Cyann & Ben. Tout en continuant d’enregistrer et produire des albums avec Julien et David à la méthode DIY. J’ai commencé à jouer avec David Ivar, Neman et Kevin de Trumans Water sur Paris. Avec David Ivar, nous avons eu la chance de sortir un disque sur le label culte Californien Shrimper. Puis, la sortie de l’album How the way is long avec la participation des membres de Cyann & Ben sur le Label Water House. En 2007, je me suis installé à Montréal ou j’ai pu terminer The Black hawk ladies & tambourins dans le studio SpiderCat House avec comme ingénieur du son Mr Alec Orson Presence du légendaire groupe Londonien Monochrome Set. Et d’avoir la participation de très bons musiciens de la scène underground de Montréal comme le groupe Valleys. Apres la signature sur le label Canadien Semprini et un album supplémentaire enregistré avec Damien de Leopold Skin, je suis de retour a Paris ou actuellement je joue avec une nouvelle batteuse Cab et écris le troisième volet de ma trilogie.

Tu es parti trois ans à Montréal. Est-ce que cela a modifié ta manière de travailler, ta perception de toi-même en tant que musicien ? Quelles rencontres as-tu fait et quelles en furent les conséquences ?

Il n’y a aucun doute la dessus. Si je suis parti, c’était pour me reconstruire. Découvrir une nouvelle scène musicale, d’autres contextes artistiques afin de développer mes propres capacités dans ce domaine. Un nouveau terrain de jeu avec de nouveaux codes à assimiler. Il me fallait de l’action, de nouvelles expériences, de nouveaux visages, une autre façon de réfléchir. A Paris, j’étouffais…tout était trop compliqué, je ne voyais plus le bout de rien, j’avais vraiment l’impression d’y perdre mon temps. Montréal était un coup de poker pour moi… ça passe ou ça casse ! J’ai eu beaucoup de chance de rencontrer Natasha Desmarais à un de nos concerts. Elle est la partenaire d’Orson Presence et dirige le SpiderCat House Studio. Elle m’a invitée à une séance d’enregistrement et à partir de ce moment la ma vie à Montréal a pris une toute autre tournure. Après de nombreuses années, je retrouvais enfin de l’excitation et de la joie dans ce que j’accomplissais. Grâce à ces deux personnes, j’ai pu exorciser mes peurs, reprendre confiance et surtout écrire une musique très personnelle. Ils m’ont présenté à tout un tas de musiciens qui passaient sans cesse dans leur maison, dont le groupe Valleys que j’adore. J’ai eu la vie que je voulais dans les conditions que je recherchais… jouer et enregistrer de la musique non stop avec des musiciens talentueux et extrêmement généreux. Sans cette étape dans ma vie je n’aurais pas pu avancer correctement.

Ta musique est très ancrée dans une tradition psych-folk des années 70. Quels artistes t’inspirent aujourd’hui ?

Pendant toute ma période a Montréal, je n’ai quasiment pas écouté de musique enregistrée. Je suis surtout allé dans les clubs et les salles de concerts pour découvrir ce qui s’y passait. Les live à Montreal et la scène underground, m’ont réellement passionnés. Il y a tellement de groupes intéressants chaque soir, dans tous styles confondus que je ne voyais pas l’intérêt d’aller acheter the « flavour of the week » parce qu’on m’avait dit que c’était le nouveau groupe incroyable à la mode. Si l’album sonne folk c’est parce que on a choisi de l’enregistrer live sur un 8 pistes dans un local exigu. Les chansons étaient écrites quasiment une semaine avant de les enregistrer. Personne ne les avait travaillées en amont et personne ne savait ce qu’il allait jouer, un peu comme un orchestre de free jazz à la Art Ensemble Of Chicago. Dans mon esprit, je voyais ca comme une grande plage musicale avec beaucoup d’arrangements. Les sons rajoutés sur les chansons sont tous naturels et sont là pour amener une dimension cinématique. J’aime assez cette période musicale de la fin des 60’s mais je suis plus proche artistiquement de ce que l’on surnomme la musique actuelle. Je n’aime pas non plus cette étiquette folk, elle m’importune. En Amérique du nord, les gens me perçoive plus comme un punk qui joue une musique expérimentale. Pour ce qui est des artistes qui m’inspirent aujourd’hui… hum, je citerais Efrim de Thee Silver Mt.Zion & the Tralala Band. Sinon, j’aime Zombie-Zombie, Scout Niblett, Fuck Buttons et des groupes underground de Montreal ou de Los Angeles comme le label Not Not Fun ou l’artiste graphiste français Julien Lagendorff.

Peux-tu raconter la genèse et la conception du clip illustrant le morceau Dead kings ?

La genèse… ha, ha. Deux mecs bourrés qui se refont le cinéma à la Godard, ça te convient ? David Pais de The Drone avait toute une quantité de documentaires, d’archives et de publicités américaines assez obscures datant des 50’s au 70’s. Il m’a décrit certains contenus et je l’ai supplié de me réaliser un clip avec tout ça.

Est-ce que la dimension « apocalyptique » de cette vidéo (on y voit des militaires américains assistant à des essais nucléaires dans le désert) accompagne adéquatement cette chanson, selon toi ?

Oui tout a fait. On avait élaboré quelques idées sur le choix des images et dont le thème de l’apocalypse. Après David avait carte blanche. Il a choisi le coté mystique et poétique de l’horreur, je lui ai fait confiance et je n’en suis pas déçu. L’apocalypse est le thème que j’ai choisi pour écrire ma trilogie. Elle commence avec The Black hawk ladies & tambourins, puis Witches et ce terminera avec Good bye Babylon. Les paroles de Dead kings sont une fausse manière de décrire un peuple qui se rebelle face l’oppression. On croit entendre le texte d’une chanson pour enfant alors que c’est la guerre qui est déclarée.

Les thèmes de la royauté, de l’aigle, du chemin vers le paradis (« Pathway to heaven ») illustrent-ils chez toi une forme de foi (chrétienne, ésotérique) ?

J’ai fait des recherches sur l’aigle à deux têtes, car je ne comprenais pas pourquoi j’avais dessiné ca. Toutes les explications trouvées sur le sujet ne correspondaient en rien avec mon univers, le thème du disque ou les paroles. La seule chose qui colle avec ca c’est le « thunderbird » des indiens d’Amérique. On le retrouve dans deux chansons et les passages de musique tribale sont tous inspirés par la musique Amérindienne. Les textes sont ecrits comme des poèmes indiens et il y a une référence à un medecine-man John fire Lame Deer. J’aime beaucoup cette culture et la cover du disque est certainement aussi inspirée par l’art Amérindien. Quand à Pathway to heaven, c’est le tout dernier morceau que j’ai écrit et enregistré avec Mr Orson Presence et Marc de Valleys. C’était une façon de finir le disque dans le chaos, de mettre une tarte à l’auditeur qui croit écouter un disque de folk et de surtout dire « goodbye » à mes amis de Montréal et à un ami très cher qui nous avait quitté un an plus tôt.

Propos recueillis par

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