(…)
AD : Pour moi, la scène de la mine, c’est le moment final de leur relation. Il s’agissait d’en finir, voilà. Il s’est trouvé qu’on s’est retrouvé là, et nous sommes des cinéastes qui nous intéressons à la matière… et c’est vrai que c’est très beau. Il y a la mine, donc on la filme et on intègre la narration là-dedans : ils s’arrêtent, c’est fini. Donc là, ce n’est plus l’histoire d’eux deux -j’en reviens à des marottes- mais de leur affrontement. Lui, il s’en va, et elle, elle reste. Ce n’est pas qu’ils ne se sont pas aimés. Ce fut très riche, tout en ellipses (rires).

Toutes les ellipses proviennent d’un choix.

AD : Ah oui. Bon, par manque de scènes aussi, mais oui.

Si regarder les lieux n’a pas de sens donné, la narration, elle, fait sens. Ce que j’ai ressenti, c’est que le couple ne se comprend pas dès le début, et ne se comprendra pas.

AD : Oui, il y a 1+ 1. Ils sont seuls. Il n’y a pas de diffraction entre le moment où ça se passe et le lieu où ça se passe. Ca, c’est très consciemment voulu, parce que gardé au montage. Donc on sait très bien que dans cette (ah ! ça va faire très Dieutre) minéralité (rires), ils font de l’existence. La fille est impossible, et lui est impossible, donc leur amour… ne peut pas se transcender.

Avez-vous fait votre film par rapport à d’autres films, en réaction ?

AD : Juste pour se donner de l’énergie.

AB : Il y a ça dans les conversations, mais quand on fait le film… On ne va pas faire de films contre les mauvais collègues. On ne va pas faire du cinéma pour ça.

AD :C’est juste de l’excitation. Et puis on fait un film, point. On fait avec nos moyens, parce qu’on a décidé qu’on aurait que ça comme moyens… voilà. C’est pas contre. C’est vrai qu’au départ, on se dit : « Ah ! ça va batailler », et puis après…

Oui, après le film ?

AD : Eh bien après le film, c’est la merde (rires), parce que tout le monde dit : c’est quoi ?

AB : Non, en fait, on avait des supporters mais ce n’était jamais les gens qui donnaient de l’argent. Il y avait d’un côté les supporters, et de l’autre des porte-monnaie qui ne s’ouvraient pas. Et puis finalement…

AD : Une fois, les Straub se sont fait attaquer sur le plan de la carte d’état-major dans Lothringen ! Leur réponse était sensée : premièrement : qui êtes-vous pour dire que ça dure trop longtemps, ou pas assez longtemps. Ca c’est votre impression, on ne peut pas l’ériger comme une théorie. Qu’est-ce que c’est qu’un plan qui dure trop ou pas assez ? Et puis après : vous n’avez pas écouté. Le plan dure parce que nous avons laissé la musique jusqu’à la fin. Si vous écoutez, si vous utilisez vos oreilles, vous comprenez.

AB : Mais eux, les Straub, ils ont le droit de nous emmerder parce qu’ils sont géniaux. Seulement un autre qui dirait : « nous on met le plan jusqu’au bout parce qu’il y a la musique qui va jusqu’au bout », si son film est raté parce qu’il n’est pas assez intelligent et qu’il a ce principe et que le film n’est pas à la hauteur de ce principe, ça se casse la gueule (rires). Par contre là ça marche. Ca marche parce que c’est des vrais musiciens, voilà. Mais les Sraub, c’est un problème, parce qu’ils font croire qu’ils ont des lois et des principes établis…

Mais ce sont des principes assez souples, qui s’adaptent au réel. C’est un principe d’écoute, donc ça marche.

AB : Oui, mais encore faut-il qu’ils choisissent les acteurs comme ils les choisissent, qu’ils les dirigent comme ils les dirigent, que tout soit absolument merveilleux à voir à chaque seconde de chaque plan. Il n’était pas dit qu’une telle rigueur, voire qu’un tel rigorisme donnerait d’aussi bons films.

AD : Mais ce n’est pas une recette, ce n’est pas une application… Parce qu’ils sont capables, par exemple… Quand j’ai vu Machorka Muff, où ça coupe sans arrêt, par rapport à Lothringen ! qui est un autre film… C’est de la rigueur, pas du rigorisme. Ce n’est pas des théories, de la planification, c’est un amour des choses, ou, comme tu disais tout à l’heure, une écoute.

AB : Ce n’est pas des lois a priori. La loi vient, à chaque film, du moment, du texte, du lieu, de l’acteur…

AD : Ça s’impose.

Propos recueillis par et

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