Deux représentants du flamenco, la star Cristina Hoyos et le jeune Antonio Marquez, sont à l’affiche de la rentrée parisienne. La première, à Mogador avec son nouveau spectacle Al Compas del Tiempo, le second, pour la première fois à Paris sur la scène de l’Amphithéâtre de l’Opéra Bastille.

Pendant que Cristina Hoyos ouvre la saison du Théâtre Mogador, le jeune Antonio Marquez fait la rentrée de l’Opéra Bastille. Chacun débarque épaulé par sa compagnie, ses chanteurs et ses musiciens : une quasi-obligation, tant la danse flamenca ne trouve sa vérité profonde que dans le dialogue avec la musique. Dans son spectacle Al Compas del Tiempo (au rythme, à la pulsation du temps), Cristina Hoyos, ambassadrice incontestée depuis les années 70, revendique encore et davantage un flamenco épuré. Aiguisant son travail d’abstraction, elle file vers une danse sans esbroufe, ni falbalas, dont la rigueur n’étouffe pas la flamme. « Sans jamais détourner le regard de la grande tradition du passé, mais toujours soucieuse d’adaptation aux rythmes du temps, j’ai tenté d’en sauvegarder l’essence même, tout en adaptant sa forme au présent. Ce ballet se veut sans concession, sans ces subterfuges qui entraînent la danse vers un néant de trépidations frénétiques. Mais toujours en quête de cette rencontre avec le flamenco qui ressource son identité à l’aune de son authenticité. » Une déclaration qui dans la bouche de Cristina Hoyos ne sonne pas creux. Celle qui, auprès d’Antonio Gadès, fut la révélation de Noces de sang (1974), puis de Carmen (1983) a le flamenco chevillé au corps. Corps ramassé d’une femme qui se libère, d’un coup de reins, dans une spirale éclatante, La Hoyos peut être aussi altière et élégante que fonceuse et truculente. Surtout, elle a toujours ce secret tremblement, cette fièvre à fleur de peau qui passe la rampe. Essence d’un cri, le flamenco est l’apanage des âmes fortes.

Enfant, Cristina Hoyos passait son temps à danser en cachette au son de la radio, tout en se regardant dans un petit morceau de miroir qui ne reflétait que ses mains. Elle a douze ans, elle signe sa première chorégraphie pour la troupe d’enfants à laquelle elle appartient. A quinze, elle cachetonne au Patio Andaluz, un cabaret de Séville. Ses débuts à la dure dans des bars à touristes lui forgent un tempérament d’acier. Elle n’est pas seule dans la galère : ses sœurs lui cousent ses robes, son père croit en elle dur comme fer. Après quelques contrats dans différentes compagnies, Antonio Gadès l’engage en 1969. Elle sera sa partenaire pendant vingt ans, gagnant ses galons de grande dame flamenca. En 1989, elle monte sa propre compagnie. C’est elle qui introduira le flamenco à l’Opéra de Paris en 1991 avec son premier spectacle Sueños de flamenco, faisant la preuve de son talent singulier et de la beauté d’une danse que d’aucuns laissaient au rayon folklore.

C’est au tour d’Antonio Marquez, représentant de la nouvelle génération, de faire résonner l’Amphithéâtre de l’Opéra-Bastille de ses « zapateados » (frappes des pieds) crépitant comme une mitraillette. Jeune, beau et passionné, comme on se l’imagine, ce danseur très doué a créé sa compagnie en 1995 après avoir passé près de dix ans au Ballet national d’Espagne. C’est à Ibiza, dans la petite ville de San Antonio, que ce fils de tailleur de pierre a commencé la danse auprès de Paco Torres et Maria Martin, dont il aime à évoquer l’apprentissage rigoureux. « Ils m’ont bien sûr transmis un amour immense de la danse, mais aussi et surtout une discipline et un sens de la perfection qui manquent beaucoup aux danseurs d’aujourd’hui. » Parallèlement à sa troupe, il a donc fondé une école où il s’attache à transmettre ce qui fait, selon lui, les qualités premières d’un grand interprète flamenco. Son talent et son travail viennent d’être reconnus par la municipalité de Madrid, qui va subventionner sa compagnie. Antonio Marquez a reçu le Prix Noureev, décerné par la presse spécialisée lors d’une tournée en Italie en 1997. Il joue aussi dans la production Don Quichotte de Massenet, dans la Grande Salle de l’Opéra Bastille.

Compagnie Cristina Hoyos
Théâtre Mogador

25, rue Mogador – Paris 9e
Du 14 septembre au 1er octobre 2000
Renseignements : 01 53 32 32 00

Compagnie Antonio Marquez
Amphithéâtre Opéra Bastille

Place de la Bastille – Paris 11e
Du 23 septembre au 12 octobre 2000
Renseignements : 08 36 69 78 68 Lire notre entretien avec Cristina Hoyos