Breakbeat Era. Ce nom revient sur les lèvres des festivaliers de La Route du Rock. La réputation du jungliste primé Roni Size et les platines de DJ Die y sont sûrement pour quelque chose. Mais c’est Leonie Laws, voix rauque du trio, beauté à forte personnalité, que les gamins sont venus voir…


Chronic’art : Quand et comment as-tu rencontré Roni Size ?

Leonie Laws : Il y a deux ans environ, un ami commun nous a présentés. Immédiatement, j’ai fait une séance d’enregistrement avec eux, écrit une chanson, Breakbeat Era. Ce morceau a beaucoup plu dans les clubs, au point qu’une maison de disques de Bristol nous a contactés. Conséquence : cet album. Depuis, je bosse avec Roni. Au départ, c’était une rencontre accidentelle et voilà le résultat ! Un résultat qui m’excite vraiment.

Tu as contribué intimement à la formation du groupe.

C’est ce que j’appellerai une alchimie fortuite. Roni et moi sommes très différents. Seul notre amour pour la dance nous rapproche. Nous avons tous les deux l’esprit ouvert, nous aimons cette musique. Enfin, moi je ne cherche pas à repérer des tendances, j’aime un style ou non, c’est tout.

Tu as toujours écrit et travaillé dans des groupes ?

Oui, toujours, même si avant, ce n’était que pour mon propre plaisir. J’ai fait beaucoup de choses dans ma vie. J’ai déjà beaucoup voyagé, connu de nombreuses expériences. Je n’ai pas le temps ici d’énumérer tout mon parcours, mais j’ai vraiment tout essayé. J’ai conduit des camions, mais j’ai également conduit un chariot tiré par des chevaux. J’ai traversé l’Europe, l’Inde, le Japon… J’y ai parfois joué des concerts pour me faire de l’argent. J’ai appris à parler plusieurs langues. Ensuite, je suis rentrée, ai passé un diplôme de professeur de design et d’ingénierie. J’ai eu deux gosses… Et je suis encore vivante !

Et jeune.

Rapide et très précoce.

Comment travailles-tu avec Roni ?

Ça se passe vraiment bien. Le plus formidable, c’est qu’au départ, on ne se connaissait pas du tout. Ce qui nous a permis de bâtir une excellente relation de travail. Roni est quelqu’un de très timide. Petit à petit, nous avons commencé à développer une relation plus sociale. On s’entend très bien en profondeur, nous sommes fondamentalement très similaires. Et puis, c’était enfin l’occasion pour moi d’apposer mes textes sur des rythmes fabuleux. Un pur plaisir ! Cependant, nous faisions très attention, tous les deux, car la musique est quelque chose que nous aimons énormément. Lorsque tu travailles sur un sujet aussi précieux que cela, il faut être prudent, garder du recul… Ton amour pour la musique peut devenir dangereux, te dévorer, tu peux créer un monstre. Nous étions tous conscients de cela. Le plus drôle, c’est que Breakbeat Era réunit trois personnes en apparence incompatibles, mais qui fonctionnent très bien ensemble. On a parlé de nous comme de la Sainte Trinité. C’est un peu cela : le Père, le Fils, la Sainte Esprit…

Tu es la Sainte Esprit ?

Non, je suis Dieu, bien sûr.

Chacun sait que Dieu est une femme.

Je savais que je pouvais te dire que j’étais Dieu et que tu comprendrais ! En réalité, nous étions tous Dieu à tour de rôle. On portait en alternance des chapeaux avec Dieu inscrit dessus.

Quels souvenirs gardes-tu du premier show avec Breakbeat Era ?

Curieux pour le moins. J’avais une énorme crève, j’étais pratiquement aphone. Je pouvais à peine parler. Et le soir, mon énergie était quand même là au moment de monter sur scène.

De toute façon, avec un timbre comme celui de Marianne Faithfull, un petit enrouement ne devait pas trop choquer.

Merci. Quand j’étais jeune, j’avais une voix angélique. Je chantais comme Joni Mitchell, mais je voulais une tessiture plus enfumée, plus grave. D’où les cigarettes.

Ce n’est pas écrasant de collaborer avec Roni Size, qui est « énorme » en ce moment ?

Oh non, bien au contraire. Nous avons joué de nombreux concerts uniquement grâce au nom de Roni. Les gens savent que sa musique est excellente, ils aiment ce qu’il a fait précédemment et ils viennent nous voir. Comme j’ai une forte personnalité, je me fiche du fait que, parfois, les gens veulent rencontrer Roni et pas moi. Le show a son existence propre : Roni n’aurait même pas besoin d’être sur scène pour faire ce qu’il fait… mais sa présence plane là, et au final, les gens viennent nous dire que nous sommes un des meilleurs groupes live qu’ils aient vus ces temps-ci. Lorsque j’ai signé le contrat pour Breakbeat Era, Roni venait de remporter le Mercury Prize, il allait tourner en Angleterre et aux USA, surfait sur une immense vague. Je me suis dit que j’allais surfer à côté de lui et lui apporter quelque chose. Avant moi, il n’avait jamais joué live. Je me disais qu’il faudrait lui apprendre les lois de la scène et cela s’est fait par télépathie. Heureusement, car c’est impossible d’expliquer à un DJ les périls de la scène. Il faut qu’ils découvrent ça par eux-mêmes.

D’où vient ce titre Ultra-obscene ? Envie de choquer ? De provoquer ?

C’était une façon d’attirer l’attention, bien sûr. Je crois que c’est également une bonne façon de décrire notre musique, qui est ultra obscène. Qui sommes-nous ? Des puristes de la drum’n’bass qui, lorsqu’ils jouent, exhibent une énergie ultra obscène. Ce terme n’est pas choquant pour moi en tout cas. Un titre comme Smack my bitch up l’est. Lorsque nous avons fini l’album et regardé notre travail, nous avions envisagé le titre Flowery twats, mais bon…

Ton opinion sur la French Touch ?

Je ne connais rien de tout ça. Les seuls trucs français que je connaisse sont Bouge de là… (elle chante)… et Ça plane pour moi… (elle chante et imite Plastic Bertrand). Je parle plutôt bien le français, donc il n’y a pas de problème de langage pour moi lorsqu’il s’agit d’écouter des chansons françaises. Le français est une langue douce, qui s’adapte mal au hip hop, par exemple. Ce que je préfère, ce sont les vieux airs de cabaret des années 30, ces musiques de bouges que Tom Waits a su si bien reproduire ensuite.

Que répondrais-tu à ceux qui estiment que la musique électronique est froide et distante ?

Je leur dirais de venir assister à un concert de Breakbeat Era.

Propos recueillis par


Voir la critique de &Article=6″>Ultra-obscene de Breakbeat Era