Auteur de bouquin pour ados, Mavis (Charlize Theron) prend le chemin du bled où elle a grandi pour reconquérir un ancien amour de lycée (Patrick Wilson), lui-même époux comblé, rangé, convenable, papa. Et par là-même, dit-elle, le sauver de l’enfer d’une morale bourgeoise. Là-dessus, on ne peut pas dire que le film, par ailleurs assez plaisant à regarder (dans ses louvoiements amoureux, Charlize Theron est plutôt touchante) l’aide beaucoup : son projet à lui est rigoureusement inverse, il est aussi safe et puritain que possible. C’est simple, tout ce qui pourrait venir bouleverser l’ordre établi est ici réduit à une névrose geek, à régler seul, avec le moins de débordements possible. Que sont les trentenaires aujourd’hui ? Selon Reitman, des parents ou des geeks, vie rangée, vie dissolue, hermétiquement divisés. C’est dans les moments (rares) où le film fait quelques mystères sur l’issue de l’entreprise de Mavis qu’il est le plus amusant, quand l’héroïne passe du cradingue au sexy, qu’elle déploie dans les bars du patelin banal ses armes de séduction, écrasant d’un seul battement de cil toutes les autres femmes mais avec un charme qui (en apparence, croit-on d’abord) reste impuissant. Tant que la névrose, mesurée ici à l’épaisseur de maquillage, se fait potentiellement subversive, contagieuse, les petites touches de vernis et de rouge à lèvres suscitent vraiment l’intérêt.

Mavis est cependant perçue comme une vraie loseuse par presque tout le monde, et en premier lieu par un metteur en scène qui ne l’épargne pas, et planifie son échec : face à la vie de famille solide, honnête, désespérément sympathique de celui qu’elle aime, face à la ressemblance frappante de Patrick Wilson avec l’acteur Craig T. Nelson (un habitué des vrais rôles d’Américains pure souche, de militaires et chefs de famille – et dont le plus important, le rôle du père dans Poltergeist, fut pastiché par Wilson lui-même dans Insidious), face en somme à cette aura de droiture et de morale républicaine, la régression à l’âge ingrat de la prétendante, pur enthousiasme de midinette franchement pas raisonnable, ne peuvent pas grand-chose. Obstacle supplémentaire, sorte de double inversé, révélateur d’une réalité intérieure : le rôle du confident, évidemment geek lui-même, grassouillet collectionneur de figurines habitant chez sa sœur, sexuellement désamorcé (attention, c’est glauque : pendant les années lycées, une bande de petites frappes le croyant gay lui a broyé une jambe et le sexe), avec lequel la midinette va coucher un soir de déprime, avec une indifférence terrifiante. Grâce à lui et à sa soeur (qu’elle méprise pourtant totalement), Mavis repartira chez elle, bredouille mais guérie. On est heureux pour elle, la morale est sauve.