La gay-pride, c’est de l’histoire ancienne. Avec X-Men voici venu le temps de la mutant-pride. Peu importe que vos yeux crachent du feu, que des griffes de métal jaillissent de vos mains ou que votre langue mesure plusieurs mètres de long… n’ayez pas honte de votre différence, on doit vous accepter tel que vous êtes.

Dans les années 60, lorsque la bande dessinée X-Men fut conçue par le scénariste Stan Lee, la lutte pour les droits civiques battait son plein aux Etats-Unis, l’allégorie était on ne peut plus claire : ses super-héros, des mutants rejetés par une partie de la société, symbolisaient l’ensemble des minorités opprimées. L’adaptation de Bryan Singer ne s’embarrasse pas de subtilités. D’emblée le réalisateur explicite la métaphore en ouvrant son film par des images d’un camp de concentration : une enfant voit ses parents partir vers les fours crématoires. Cette scène inaugurale, brutale, définit immédiatement la nature du film. Certes nous sommes face à un blockbuster, mais pour le même prix vous aurez droit à du contenu. Ces mutants qui vont vous divertir avec leurs pouvoirs, leurs costumes, leurs combats, sont également des victimes, des êtres persécutés. Apparemment Bryan Singer serait prêt à tuer père et mère au nom de l’efficacité narrative… Après cette entrée en matière douteuse, le film peut enfin commencer, et il faut bien avouer qu’il remplit parfaitement son contrat de pur produit de divertissement.

Dans un futur proche, certains êtres humains subissent d’étranges mutations génétiques qui leur confèrent des pouvoirs supérieurs. Le reste de l’humanité se sent menacé et les traite comme de véritables « freaks ». L’un d’eux, le professeur X, un télépathe, est partisan d’une coexistence pacifique entre les deux espèces, mais Magnéto -le petit garçon devenu entre-temps un méchant mutant- veut dominer le monde. Les deux « hommes » et leurs équipes respectives vont bien évidemment s’affronter.

Le film joue habilement sur deux tableaux : scènes d’action, nombreux effets spéciaux, défilé de mutants exhibant leurs pouvoirs spectaculaires (au choix télékinésie, contrôle de la météo, force herculéenne, etc.) tout en livrant une certaine réflexion sur la différence, sur l’acceptation de l’autre. On aurait pu largement se satisfaire de ce blockbuster agrémenté d’un message de tolérance s’il n’y avait pas eu cette désagréable impression de se faire constamment manipuler. De manière délibérée X-Men laisse des questions en suspens, ouvre des pistes mais ne les explore pas. On apprend par exemple que l’un des personnages a été victime de manipulations génétiques, mais on n’en connaîtra jamais la raison, ni les auteurs. De même, on ne fait qu’apercevoir l’un des héros phares de la bande dessinée, « Ice-man », histoire de le réserver pour d’autres aventures avec une nouvelle équipe de mutants. En ce sens, le film n’existe plus en tant qu’entité autonome, l’une de ses fonctions principales étant d’annoncer d’ores et déjà les réjouissances du prochain épisode. Trop calculé, trop programmé pour être honnête.