Without Air, c’est un peu la quintessence d’un cinéma indépendant américain fantasmé dont les centres de gravité seraient le noir et blanc, des paysages proches du no man’s land, et surtout une mélancolie quasiment palpable (en bref, du Jarmusch sans humour). Car Without Air est avant tout un beau film sur le blues. A la fois d’un point de vue musical -Shay, l’héroïne du film est chanteuse, tout comme son interprète Laurie Crook- et existentiel -le film baigne dans un spleen permanent assez contagieux. Shay est donc artiste, mais aussi strip-teaseuse dans un bar plutôt minable. Elle partage sa vie avec Radio (Jack May), un jeune chômeur qui joue dans le même groupe qu’elle. Tous deux sont paumés, naviguant de dérive en dérive (drogue, sexe, alcool) en espérant trouver un sens à leur vie. Certes, cette thématique très post-adolescente n’est pas vraiment originale, mais ses vertus cinégéniques ont fait leur preuve et continuent de fonctionner. Et sur des idées de séquences aussi ténues que « Shay danse complètement stone » ou « Shay se fait un shoot dans une chambre d’hôtel glauque », Neil Abramson fait des miracles. A la fois esthète et extrêmement proche de ses personnages, le cinéaste, dont c’est le premier film, réussit à créer une atmosphère sensuelle et envoûtante, bien que nimbée de désespoir. La force de Without Air tient aussi au fait que le réalisateur s’est inspiré en grande partie de la personnalité de Laurie Crook pour construire Shaye, rendant ainsi la fiction encore plus authentique. Heureusement, autour de ses losers criants de vérité, Abramson est parvenu à créer son propre univers (un montage parallèle qui tisse des liens entre les âmes, des cadrages insolites dont les visages constituent la force centrifuge ou encore un goût pour des improvisations qui poussent les comédiens jusqu’à leurs derniers retranchements) dont on attend avec impatience les prolongements dépressifs.