Flip (Danny Hoch), un adolescent blanc qui vit dans un trou paumé de l’Iowa, ne rêve que d’une chose : être un rappeur noir. Marc Levin juxtapose deux mondes très différents ; l’Amérique rurale et profonde des petits blancs et la culture noire des ghettos. Dans ce paysage constitué de champs de céréales, de granges abandonnées et de fast food minables, Flip et ses amis déguisés en rappeurs font figure d’authentiques ovnis. Ils fantasment à longueur de journée sur un univers qui leur est totalement étranger et dont ils ne connaissent que les clichés transmis par la télévision. Véritables caricatures des chanteurs qu’ils adulent, ils n’en sont pas pour autant ridicules car leur obsession de la culture black est avant tout la traduction d’un malaise. Un refuge, une illusion, qui leur permet de croire qu’ils n’ont pas un avenir totalement bouché.

Car la vraie vie, celle qu’ils refusent de voir obstinément, c’est celle du père de Flip qui vient de se faire renvoyer, c’est celle de sa mère humiliée qui est obligée de payer ses courses au supermarché avec des bons alimentaires. Le film réussit habilement à mélanger deux registres : une vision quasi documentaire du monde rural et l’univers purement fantasmatique de Flip. Ce dernier se projette littéralement dans des clips drolatiques où il se met en scène avec des stars du rap. Sans véritable fil conducteur, Whiteboys se compose d’une succession de saynètes. L’ensemble se révèle plus qu’intéressant mais Marc Levin doit à un moment ou un autre mettre un terme à son film. Il choisit de le faire en confrontant Flip et ses amis à la réalité de la ville. Partis à Chicago pour acheter de la drogue ils rencontrent enfin leurs semblables, leurs amis ; les noirs de la cité de Cabrini Green. Mais leur rêve se transforme rapidement en cauchemar, la transaction se passe mal, la police intervient et l’un des dealers se fait tuer. Alors qu’il avait jusque là admirablement joué avec les clichés, le réalisateur tombe dans la caricature : les noirs sont des gangsters et la réalité est forcément violente et sanglante. Après cette aventure, Flip semble rentrer dans le rang et se réconcilie avec sa copine avec qui il venait tout juste de se disputer. Cette fin peu heureuse qui n’échappe pas à une certaine tentation moralisatrice gâche légèrement ce film pour le moins atypique.