Il faut « tuer le père », tout le monde sait ça, même les scénaristes américains. Et la scène inaugurale de ce thriller montagnard d’appliquer le principe à la lettre : une sympathique ascension familiale tourne mal et Peter (Chris O’Donnell), pour sauver la vie de sa soeur Annie, et la sienne par la même occasion, est obligé de couper la corde qui retient leur père au-dessus du vide. Inutile de se perdre dans une longue analyse freudienne du geste -ah cette corde-cordon ombilical tranchée net par une lame…-, ce serait donner trop de crédit au scénario ras des edelweiss de ce film d’action pourtant situé à des hauteurs vertigineuses, les sommets de l’Himalaya. Ce qui prévaut, c’est le pragmatisme ; bien évidemment, cette scène sera dupliquée à un moment ou à un autre mais, surtout, le trauma initial permet d’expliquer le comportement ultérieur de notre héros qui a une revanche à prendre sur la montagne. Depuis, frère et sœur ne se parlent plus, lui a abandonné l’escalade, elle a suivi les traces de papa (encore Freud…) et crapahute de sommet en sommet pour soigner son mal existentiel. Tous deux se retrouvent pourtant, par le plus grand des hasards, au pied du mythique K2. Et lorsque Annie et deux autres personnes sont pris au piège dans une crevasse, Peter n’hésitera pas à reprendre les crampons pour aller la sauver.

On n’a rien contre quelques giclées d’adrénaline mais Vertical limit ne se contente pas de nous en fournir des doses massives avec la régularité d’un métronome (on sait qu’environ toutes les dix minutes on aura droit à un morceau de bravoure), il cumule aussi tous les défauts recensés dans les films d’action décérébrés. Au choix : scénario indigent, clichés, invraisemblances, personnages stéréotypés, dialogues débiles, etc. Ainsi le K2, l’une des montagnes les plus dangereuses du monde, ne suffit pas à fournir son lot de catastrophes naturelles, on rajoute donc quelques litres de nitroglycérine à l’équation. Ce n’est pas uniquement lestée de ses névroses mais également d’une substance hautement explosive dans les sacs à dos que l’équipe de secours (Peter le parricide, un grand alpiniste qui a perdu sa femme et par la même occasion une case, la nana de service, deux comiques qui détendront l’atmosphère quand elle sera trop tendue, sans oublier un Pakistanais, après tout la montagne est située dans son pays) devra grimper jusqu’à près de 8 000 mètres.

Pompage honteux du Salaire de la peur de H.G. Clouzot, version grand glacier, Vertical Limit va progressivement, au gré d’une avalanche ou d’une explosion, sacrifier presque tous ses personnages jusqu’au sauvetage final. Juste avant, une corde sera de nouveau coupée. Une répétition du geste inaugural avec tout de même une différence : le rapport s’est inversé. La première fois un homme était tué pour en sauver deux autres, la seconde, cinq sur six y sont déjà passés pour qu’Annie reste en vie. Ca n’a l’air de gêner personne, ils ont simplement été sacrifiés sur l’autel de l’efficacité d’une machine hollywoodienne qui tourne désespérément à vide pendant deux heures.