Premier film du scénariste Pierre Schoeller, Versailles (à Cannes en 2008, section « Un Certain Regard ») suit une pente dardenienne en son abord, et suit aussi Nina, la vingtaine, un môme sur les bras, Enzo, de foyer d’accueil en chez-soi de fortune près d’une cabane de chantier. Envoyée dans un centre d’accueil versaillais pour y passer la nuit au chaud, elle se perd dans les bois près du château, et tombe sur un jeune ermite (Guillaume Depardieu), à qui elle confie après une nuit d’amour son petit Enzo, 5 ou 6 ans. Elle s’en va, tenter ailleurs de reconstruire sa vie, de se « réinsérer », comme on dit.

On aura reconnu le scénario du Kid de Chaplin. Dans le rôle du vagabond qui recueille bon gré mal gré un enfant aussi encore plus démuni que lui, Depardieu est très bon, as usual. Même si son personnage de Robinson sylvestre, avec son look (treillis, bonnet, beau blouson noir), chantonnant du Noir Désir dans sa barbe, lisant des livres sans couverture au coin du feu, philosophant avec ses compagnons marginaux, parlant bien, est trop composé. Dans le rôle du kid, un gosse impressionnant, mais un peu trop joli, comme toujours.

Avant que le film prenne la vague d’un mélodrame social de bon aloi, il aura pris le temps d’installer un ton, une couleur, une lumière âpre et pas aimable, très sombre, rugueuse – signée par le grand chef-opérateur Julien Hirsch. Quelque chose toutefois n’est pas abouti dans ce projet forestier, la mise en scène s’approchant toujours à pas feutrés, mais sans oser s’y jeter vraiment, du fantastique et du conte cruel pour enfant, qui lui tendent pourtant les bras avec cet atmosphère de tranchée, ces visages que l’on croirait revenus de la guerre ou d’une mine de charbon, ces guenilles et cette nuit épaisse. Suspendu dans cet entredeux, hésitant souvent, le film ne sait s’il doit vrombir ou vaciller, de la même manière qu’il fait oublier son titre (et le château) avant d’y revenir de façon un peu cavalière, avec une fausse bonne idée. C’est assez typique de Versailles, film volontaire et bancal, mais qui dans chacun de ses choix, y compris les moins convaincants, laisse sourdre une belle résolution et un certain panache.