Drôle de film quconvaine ce Variété française. A moitié convaincante mais entêtante, cette variété n’est pas de celle des shows télé de Marity et Gilbert Carpentier ; non plus celle des Star Ac’, Popstar et autres Notre Dame de Paris. Si elle était une musique, ce serait celle de Jacno (aux commandes de la bande originale et acteur dans le film). Mais voilà, cette variété-là est celle du cinéma français. Qu’est-ce qu’un film français ? Qu’est-ce que le genre « Film français » -et par extension qu’est-ce que la famille et la société françaises ? Voilà sur quoi s’interroge esthétiquement et structurellement le film de Frédéric Videau.

Le réalisateur interprète Eric, fils prodigue qui revient dans sa ville natale pour y épouser Edith, jeune femme aisée, belle et intelligente. Mais ici les choses ont un peu changé : son père, ouvrier, a démissionné de son travail pour construire une maison dont ni le frère d’Eric ni sa mère ne veulent. Un jour, ces derniers disparaissent. Devant l’indifférence butée du père à cette disparition, Eric éprouve un malaise croissant. L’étrangeté de Variété française tient à cette façon d’injecter crescendo une série de dissonances dans un univers a priori détendu et homogène, traçant une ligne qui va du terrain archi balisé du réalisme sentimental et familial, à celui du film d’horreur mental. Encore que Videau, par une sorte d’inertie, tend à différer l’avènement redouté d’une vérité terrifiante. Tout fonctionne comme si des personnages connus et reconnus du cinéma français refusaient de regarder la réalité en face, s’obstinant à vivre dans un univers de toute façon voué à disparaître (ou presque), l’horreur ayant déjà eue lieu. Tous résistent avec désinvolture, si bien que le personnage d’Eric ne sait bientôt plus sur quel pied danser, au point de passer de l’amour béat au rejet violent de sa dulcinée dans une attitude qui, jugée extérieurement, passerait pour incohérente. Dans quel film sommes nous ? Quel est cet étrange réel dans lequel la disparition de deux individus semble n’étonner personne ?

Petit à petit, le caractère relativement anecdotique de la fiction sentimentale se charge d’un point de vue sur le conditionnement social dont chacun est la victime (consentante ou non). La variété ici, s’entend alors comme un geste esthétique consistant à infliger un ensemble de mutations au réalisme ambiant, à greffer du multiple (fantastique, politique) sur du singulier. Elle est, finalement, celle d’un univers fondamentalement hétérogène qui, derrière son apparente tranquillité (tout va bien), cache une réalité aux abois, tragique et funeste. Même s’il n’a pas tout à fait le courage d’aller jusqu’au bout de sa démonstration (l’amour est sauvé nous dit le final en forme de réconciliation), Variété française se maintient habilement sur ce fil incertain. Dommage alors que le caractère guindé de la forme (les plans fixes et larges se suivent avec monotonie), et par endroit un forcing démonstratif (personnages parfois chargés) empêchent le film d’accéder véritablement à la folie et au désastre d’un réel trop sage pour être honnête.