Inaudible, humainement impossible à regarder, film-bouillie, Van Helsing nous invite à dégainer quelques rengaines de vieux cons : qu’est-ce que c’est que ce truc ? Ça ressemble à ça, un blockbuster hollywoodien ? À un concert de hurlements, un déluge d’explosions, un arsenal pyrotechnique assourdissant qui semble n’avoir d’autre but que de boucher l’écran comme on bouche un évier ? Oui. Van Helsing, c’est ça, et c’est affreux. Le film aspire à se rendre invisible. Non par la disparition ou l’effacement, mais par une sorte d’hystérie du voir, du voir-beaucoup. Remplir le champ, obstruer. Le blockbuster, ce n’est pas nouveau, a horreur du vide. Du silence, de la durée, des intervalles. Ce film-là ne cherche qu’à occuper le terrain du visible, selon une logique de remplissage rarement poussé à une telle extrémité de disgrâce. Et ne propose comme résistance de se replier sur soi, en fermant ses yeux, en bouchant ses oreilles pour les préserver d’une pareille agression.

Comme, récemment, La Ligue des gentlemen extraordinaires, Van Helsing est une compilation de monstres et de motifs venus de la Hammer, de Universal (hommage maison), de Terence Fisher. Stephen Sommers réussit à tourner un mauvais Dracula, un mauvais Frankenstein, un mauvais Dr Jekyll, un mauvais film de Loup-Garou. Le héros, Van Helsing, est une sorte d’homme de main à la solde du Vatican, chargé de poursuivre toutes les anomalies diaboliques et autres créatures que la morale chrétienne réprouve. Un personnage assez beau, ténébreux et secret, affecté d’une amnésie qui jette sur sa nature l’ombre d’un doute, laissant percer l’hypothèse qu’il est un oiseau de nuit errant entre le monde des morts et celui des vivants. De ces qualités, le film n’en tire rien. Un peu d’humour potache (le soldat est affublé d’un moine craintif, sorte de Q venu des caves du Vatican), une fadasse romance avec une tueuse de vampires transylvanienne, et surtout une petite boutique des horreurs, agencement d’un mauvais goût inouï de tout ce qui compose la mythologie des films de monstres.

Stephen Sommers, petit artisan passé petit maître dans la surenchère puérile de l’action (La Momie), a définitivement laissé mourir l’espoir de voir en lui un sympathique petit truqueur des mythes du cinéma d’aventures classique. Après deux heures de film et une sévère migraine, on sort broyé : l’invraisemblable forçage des effets spéciaux aboutit à une espèce de ratatouille immonde ; c’est l’écran tout entier qui semble pris de convulsions, prêt à vomir toutes les explosions, tous les programmes informatiques, tous les trucs et astuces qu’il a dû ingurgiter. Un blockbuster dans toute sa splendide et caricaturale laideur.