Avec Une pour toutes, Claude Lelouch tente le pari de faire passer la sitcom à la française de la télévision au cinéma. Mêmes situations simplistes (trois filles draguent des hommes fortunés dans le Concorde pour leur soutirer de l’argent), même puritanisme artificiel (éviter à tout prix de coucher avec eux), même invraisemblances grossières (les hommes se laissent prendre aux mensonges avec une ingénuité sidérante), même humour superficiel fondé sur la complicité entre les filles et le spectateur, même casting affriolant. Pourquoi pas ? Mais que faire sur grand écran de tous ces ingrédients ridicules qui font le bonheur de la petite lucarne ? Un film dans le film évidemment, une belle mise en abyme avec vertige garanti. Une aventure à l’origine de l’écriture d’un film commercial tourné par Claude Lelouch en personne à partir d’une histoire vraie (racontée par le film) qui devient Une pour toutes. Une belle boucle qui part du film pour revenir au film lui-même. Où commence vraiment la fiction ? Décoiffant ! Malheureusement cet artifice ne parvient pas à faire oublier la pauvreté du sujet puisque, lui, ne fait pas l’objet d’une observation rétroactive et continue à être traité au premier degré. Peut-être parce que le dispositif ne contient aucun enjeu véritable si ce n’est celui d’épater la galerie, de jouer au magicien qui fait tourner les têtes et se pâmer d’admiration.

Car finalement, la seule fonction de cette structure narrative consiste à justifier la faiblesse de l’ensemble de l’entreprise. Elle reporte faussement le poids des responsabilités sur les auteurs intradiégétiques (à l’intérieur du film), c’est-à-dire Jean-Pierre Marielle et les filles, qui ont vécu l’histoire et la racontent, tout en affirmant que les événements sont réalistes puisque eux-mêmes les ont vécus (dans le film bien sûr, donc en fait pas vraiment). Jolie filouterie scénaristique. Mais tel est pris qui croyait prendre : Claude Lelouch est aussi le réalisateur de cette fiction à l’intérieur de son film, donc, in fine, toujours responsable de la totalité des images, y compris celles évoquées par les personnages.

Si on peut reconnaître au réalisateur le mérite de travailler sur un concept difficile, en revanche ses attaques gratuites et vindicatives, voire poujadistes, contre un certain cinéma français (« qui existe avec l’argent des autres ») et le cinéma d’auteur (« faire assez simple pour que les intello se pâment sur ce dépouillement »), ses commentaires simplistes (à ne pas confondre avec la simplicité évoquée au-dessus) et démagogues (« le cinéma américain réussit car il traite de choses simples avec de gros moyens, alors que le cinéma français traite de choses compliquées avec peu de moyens »), ainsi que ses dérapages maladroits (l’image de la république bananière et de son dictateur utilisée bien vulgairement) n’apportent rien à un film déjà suffisamment indigent.