« N’importe qui pouvait gagner, n’importe qui a gagné », nous dit la publicité. Si Un Ticket pour l’espace avait complètement fait sienne cette hilarante maxime, nul doute que le film ferait désormais partie des quelques rares réussites comiques françaises récentes aux côtés, par exemple, de La Tour Montparnasse infernale, chef d’oeuvre de n’importe quoi régressif (même si depuis Eric et Ramzy n’ont jamais transformé l’essai). Un acteur raté, donc, gagne un voyage dans l’espace avec quelques spationautes et un fou qui prend rapidement la station orbitale en otage. Derrière quelques gags bien sentis (mention spéciale à l’ordinateur de bord à qui on a donné la voix d’Enrico Macias) il faut que le scénario nous conte absolument des histoires sérieuses (Kad le loser, sa femme, son fils, un serial killer, un terroriste) totalement hors sujet. C’est peu dire que dans ces moments-là, le film est faible, poussif, avec cette croyance naïve qu’un « vrai scénario » est nécessairement un scénario sérieux.

Mais au fond le problème n’est peut-être pas là. Car finalement, ce qui pouvait marcher le mieux, c’est bien ce comique, moins absurde que fondé sur un arbitraire total, les gags s’enchaînant sans réelle logique, selon un principe de collage, donnant le sentiment de s’improviser au gré des péripéties (l’excellente séquence du théâtre pour enfants, qui débarque comme un cheveu sur la soupe, avec un Thierry Frémont en vrille). Cette propension au vagabondage comique trouve pourtant rapidement ses limites : à force de ne rien creuser, que ce soit une scène ou un effet comique, le film devient rapidement volatile (c’est aussi le souci, à la revoyure, de certains Monty Python). Ce n’est pas la première fois qu’on relève cela dans une comédie populaire française (Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre d’Alain Chabat, plus réussi, souffrait des mêmes maux). Une manie de la dispersion, à l’exemple du gag Enrico Macias : jamais cette trouvaille n’aura l’occasion de grossir, de se transformer, d’imprimer sa marque au film. Elle passe une ou deux fois et puis hop, on lui fait faire de la figuration. Comme si ces comiques venus de la télé étaient incapables de construire de véritables scènes et de s’inscrire dans la durée.

Il suffit de songer combien chez un Mike Myers (qui vient aussi de la télé), en dépit de cet amour du vagabondage et du n’importe quoi, on creuse les scènes jusqu’à leur point de rupture, jusqu’à risquer de les faire crouler sous leur propre poids (voir les scènes d’ombres chinoises dans les deux derniers Austin Powers, ou la scène « Mannekenpis » dans le troisième du nom). La Tour Montaparnasse infernale échappait un peu à cette superficialité car, enfermés dans un lieu clos, les deux comiques n’avaient d’autre choix, précisément, que de creuser les lieux (ici, on ne croit guère à cette station orbitale, ni assez réaliste, ni assez délirante). C’est d’autant plus regrettable que Kad et Olivier forment un duo de comiques déflationnistes assez étrange, curieusement un peu terne (nombre de répliques tombent à plat tout simplement parce qu’elles ne sont pas dites), mais qui laissent parfois échapper de réels accents poétiques, loin de l’hystérie d’un Michael Youn (Incontrôlable) ou des grimaces antipathiques du Splendid (les Bronzés 3) qui vont suivre de près ce Ticket pour l’espace.