Après le sympathique Une Affaire de goût et le médiocre Pas si grave, Un Petit jeu sans conséquences est probablement le film le plus ambitieux de Bernard Rapp. Attention film-choral : les personnages sont nombreux, le rythme échevelé, l’humour gratiné dans sa recherche d’un compromis entre Woody Allen et le Michel Blanc grassement spirituel d’Embrassez qui vous voudrez. Résultat, un film trop modeste pour atteindre les chevilles d’un Woody Allen et suffisamment humble pour écraser Blanc : un film archétypal d’une certaine qualité française, où fantaisie et naturalisme bon chic bon genre se plaisent à égratigner tics et tares de la petite bourgeoisie.

Au cours d’une journée de réunion familiale à la campagne et sous le coup d’une simple rumeur, le solide couple formé par Claire (Sandrine Kiberlain) et Bruno (Yvan Attal) vole en éclat. Rapp n’a pas son pareil pour partir d’un grain de sable, postulat psychologique pervers et incisif (ici, une rumeur non fondée de rupture que le couple finit par relayer pour tester sa crédibilité), pour enrayer la machine. Il n’est alors pas étonnant de constater l’importance, dans le film, des personnages-relais, Jean-Paul Rouve en infâme menace ou Marina Foïs en touchante ratée, et leur implication cannibale sur le rythme et la vitesse du film. Ainsi le film-choral en revient très vite à une sorte de partie d’échecs entre ces deux doublons (Kiberlain / Attal, Rouve / Foïs) qui, plutôt que de courir contre le vide (comme chez Blanc), structure l’espace, remplit la fiction, en délimite les enjeux de manière fine et cristalline.

Cette maîtrise, ce contrôle des ambitions du film sont le signe d’une modestie qui, jusque là, trouait et amaigrissait les opus de l’auteur (la dernière partie grotesque et ridicule d’Une Affaire de goût) et permet au contraire ici de rendre parfaitement sympathique chaque rebondissement ou virage d’une intrigue extrêmement fluide. La fiction s’échauffe, glisse sur la charpente du récit, gonfle à vue d’oeil sans que jamais l’ensemble ne déraille : la retenue de Rapp, son sens tactique et l’équilibre enfin trouvé entre truculence visuelle et fantaisie orale (le plaisir du bon mot qui fait souvent mouche) revigorent une structure chorale devenue au fil des ans, de Allen à Blanc, d’Altman à ses horribles descendants (Solondtz bientôt) refuge des petits malins en tous genres.