Découvert en France avec Bulletin secret l’année dernière, Babak Payami avait réalisé Un Jour de plus auparavant, petite fiction d’un peu plus d’une heure prenant pour cadre Téhéran à l’aube de l’an 2000. A partir d’une scène anodine vue par Payami à son retour dans son pays après plus de vingt ans (un homme et une femme visiblement troublés, dans un bus), Un Jour de plus offre une vision distanciée et sans concession de la société iranienne. L’anecdote se déplie en improbable fiction : un couple caché, pour exister, se retrouve chaque jour devant un arrêt de bus, sans un mot, et partage un moment de trajet dont on ne saura jamais s’il est réel ou imaginaire. L’intérêt du film repose sur son mystère : à partir de cette trace de fiction, dresser l’état des lieux d’un monde et d’une société vus comme pour la première fois.

Le film, une fois posé son petit stratagème (chaque jour, l’homme, un prisonnier, bénéficie d’un moment de liberté provisoire et en profite pour retrouver cette femme dont on ne saura quasiment rien), se laisse dériver vers des plages d’attente exténuées. En dehors des scènes de trajet, emplies d’une vraie dramaturgie (regards, silences, mouvement continuel des voyageurs), le reste d’Un Jour de plus fonctionne comme en creux : une fois seul dans la ville, le personnage principal erre dans les ruelles, traversant lieux publics ou se posant dans un salon de thé, avec pour seule ambition visible de se sentir exister parmi les vivants. Le souci du beau cadrage, bien qu’un peu systématique, permet au film de troubler par son attentisme minutieux (durée des plans, dilatation du temps), battant au rythme des pas d’une foule anonyme de passant.

Film constat sans véritable objet, sinon cette insoluble histoire d’amour qui confine à l’abstraction (à peine quelques paroles échangées, et toujours le sentiment de menace sourde qui empêche tout contact physique), Un Jour de plus évoque un peu Intervention divine, sans aucune percée d’humour toutefois. On pourra trouver cela un brin facile, rien ne sombre pourtant dans une prétention vaine et démesurée. Au contraire, Babak Payami trouve dans ce principe de décentrage continuel de l’action une poésie de l’attente, un sentiment diffus de plénitude que la simplicité de son dispositif, comme par magie, renforce et magnifie d’un bout à l’autre du film.