Drôle de cinéaste que ce Wolfgang Petersen : faux pachyderme, faux poids lourd, faux gros pataud. L’inverse d’un Jan De Bont, en somme, capable de tirer grâce et poésie du matériau le plus testostéroné (En pleine tempête) quand l’autre, depuis pas mal de temps, écrabouille tout ce qui lui passe sous la main à la manière d’un hippopotame détraqué. Entre l’un et l’autre de ces faux cousins germains, un cinéaste assure idéalement le lien : Ridley Scottdernière période, plus malin, plus talentueux aussi. Son Gladiator est ainsi le prototype de ce nouveau cinéma à grand spectacle qui hésite entre gros attirail à l’ancienne et plaisir gracieux de la synthèse et du high-tech : ralentis et accélérés, effets numériques en rafale, déluge de filtres. Que reste-t-il donc de Troie à l’aune de cet exemple dont Petersen tire à peu près 99% de ses idées ? A vrai dire, pas grand chose : le film prend un tel plaisir à réciter les leçons de Gladiator ou des batailles de la trilogie du Seigneur des anneaux (masses déployées à l’infini, vues aériennes et musique pompière) qu’il perd très vite tout intérêt visuel et se réfugie dans une sorte de neutralité bienveillante : nouvelle norme du super-péplum, plaisir de la non-inventivité totale. Reste alors la maladresse du cinéaste, qui à tant essayer de rivaliser en bêtise idéologique et vulgarité réactionnaire avec le film de Scott (Dieu, la famille, la patrie), finit par imploser de tout son long. C’est une chance, au fond : le jeu des acteurs est si mauvais (Brad Pitt en Achille, peinant à faire du Conan), les costumes si kitsch, les caractères si peu étayés que sans cette volonté délirante de faire « à la manière de », Troie ne serait probablement qu’une insupportable méga-série Z détraquée.

Devant tant de bonne volonté, le film se mue donc en quelque chose d’autre : un produit étrange, assez mal à l’aise, troué de quelques moments totalement incongrus (le duel face à Ménélas) qui le font respirer. On préfère sans aucun doute ce genre de projet ouvertement maniériste et pervers (impossible de démêler la moindre idéologie là-dedans), malgré ses incroyables bugs, telle l’allure fausse et ridicule de la plupart des personnages principaux, à un produit carré et sans âme à la De Bont. Il y a là beaucoup de maladresse, une déflation vis-à-vis du modèle qui témoigne de la personnalité étrange de Petersen dans le cinéma américain. Pas le Pérou, mais c’est déjà ça.