Par son recours à la technique du faux-documentaire, Travail d’arabe est à placer, toutes proportions gardées, entre le récent René de Cavalier et les films hilarants de Christopher Guest (Waiting for Guffman, Bêtes de scène). Du premier, il retrouve un temps l’ambiguïté féconde du procédé, dont on ne sait jamais s’il tient de l’improvisation en roue libre ou de la mise en scène la plus élaborée ; des seconds, il tire par instants un goût pour la caricature jouissive et farfelue, une sorte de fantaisie du réalisme et du quotidien le plus trivial. C’est aussi de cette indécision que naît le principal problème du film : pas aussi rigoureux que Cavalier, moins fin que Guest, Christian Philibert livre un film sympathique, mais qui peine à trouver en son creux de véritables enjeux.

Sur le mode d’un militantisme facile et flottant (Momo, immigré marseillais, découvre le cauchemar du travail lorsqu’on n’a pas une tête de bon Français), Travail d’arabe brille lors de séquences qui ne reposent que sur le talent de ses comédiens, amateurs ou non : leur sens de l’improvisation ouvre parfois miraculeusement sur des moments d’anthologie (Batavia, le collègue de Momo, qui arnaque une petite grand-mère dans un mélange de nonchalance burlesque et de férocité absolue) mais peine dans l’ensemble à faire acte de véritable proposition de cinéma. Lorsque dans la seconde moitié du film, Christian Philibert suit Momo dans une impensable et laborieuse rébellion (contre l’équipe de chauffagistes mafieux qui l’a recruté), il révèle simultanément une absence totale de profondeur dans son propos.

C’est que, à la fois trop ambitieux et trop superficiel, Philibert semble très vite n’avoir plus rien à dire. Restent alors quelques scènes, quelques éclats, qui relèvent d’une multitude de petits effets heureux (étincelles de la fiction aléatoire, percées dans l’interprétation) dont on sent bien qu’ils échappent complètement au contrôle du cinéaste. Film de pur dispositif, mais qui au fond tient plus de la mécanique du hasard (une fois lancé, le procédé semble fonctionner de façon autonome) que de toute ambition de mise en scène, Travail d’arabe, qui mêle nonchalamment comédie et réalisme militant, virulence et légèreté, n’atteint au fond que difficilement le statut de petit produit estival totalement inconséquent.