Trois étudiants légèrement écervelés ont la mignonne idée de traquer, caméra vidéo à l’appui, ce qui semble être un assassin d’ours, à travers les chatoyants pâturages norvégiens. Nous sommes avertis d’emblée par un court texte, ces images ainsi dévoilées proviennent de disques durs envoyés anonymement et dont l’authenticité a été vérifiée méticuleusement (un an de travail, nous dit-on). Voici ce que révèlent les premières heures d’enquête : à bien y regarder, les différentes scènes de crimes se révèlent louches, fabriquées, et le mystérieux Hans, loin de dézinguer des plantigrades, semble accaparé par une occupation autrement plus fumeuse. Après quelques tentatives d’approche ratées (le type est bourru), Thomas, Johanna et le caméraman Kalle se retrouvent, à force de persister dans leurs filatures grossières (spoiler, le type chasse des monstres de cinquante mètres de haut mais échoue à repérer une automobile vert pomme à dix mètres derrière lui, pendant plusieurs jours), embarqués dans une de ses missions nocturnes. Pour d’obscures raisons politiques, Hans va finalement accepter d’être suivi dans l’exercice de son métier, celui-ci consistant à réduire en poussières de grandes créatures mythologiques à gros pif, appelés Trolls.

Comme point de repère au niveau de l’imagination, c’est un peu comme si un réalisateur français faisait un remake de Cloverfield, autour du Petit Poucet. Le sujet aurait pu être prétexte, cependant, à s’engouffrer dans toutes sortes de métaphores sur nos temps modernes, faire l’objet de quelques considérations sur la nature de l’image. The Troll hunter se dérobe pourtant résolument à toute espèce de réflexion, sorti de l’efficacité visuelle. On entend bien une timide posture écologiste, évoquée du bout des lèvres, au détour d’un cyprès, mais celle-ci est immédiatement dissoute dans le regard caméra niais d’un des intervenants. Du reste, on peut se passer de ce type de discours plombant. Plus embêtant, le réalisateur fait l’impasse sur toute mise en scène de l’émotion, de l’identification, et se borne à s’adresser à la rétine du spectateur. Une sensation s’impose, la même que dans les trains fantômes de fête foraine, qui avec une insignifiance certaine, font apparaître des formes creuses et inutiles, s’évertuant à effrayer des enfants toujours trop grands.

Un film d’action ne nécessite pas forcément de fond, ni même de sens, mais exige des enjeux. Ici les visages sont trop rares et portent trop peu de sentiments, et on ne s’identifie que dans la présence immédiate d’un danger (qui en est la forme la plus élémentaire). En soi, le montage de ce faux documentaire est pourtant loin d’être raté. Il parvient adroitement à tourner autour de ces grosses choses patibulaires à la violence sourde. Parfois même affleure un sentiment de réel, à la faveur d’un décadrage soudain et insensé vers un mur, vers du rien, un rien teinté de l’effroi du caméraman – c’est peut-être cette piste qu’il aurait fallut creuser davantage pour que l’épouvante parvienne jusqu’à nous.