La Mostra de Venise s’est fait une spécialité de décerner sa récompense suprême à des films tristement consensuels et/ou exotiques. Après l’atroce Mariage des moussons de Mira Naïr, plébiscité l’an dernier, c’est la deuxième réalisation du comédien Peter Mullan (il avait débuté avec Orphans) qui a raflé la mise. En apparence, The Magdalene sisters n’a rien de consensuel, puisqu’il a déclenché une polémique, en s’attirant les foudres du Vatican, échaudé de voir l’une de ses institutions malmenée. Esclandre d’usage plutôt, car le film, tout intransigeant qu’il s’imagine être, ne fait qu’entretenir l’idée d’un cinéma d’arrière-garde, un cinéma de sujets, solennel et faussement engagé. Du cinéma « dossiers de l’écran », morne, fermé à toute audace, sans un gramme d’émotion quand bien même il se voudrait lacrymal.

Le « grand sujet » de Peter Mullan, ce sont les Magdelene homes, une institution traditionnelle irlandaise, produit de la pauvreté, de la mainmise de l’église catholique sur les masses et de la peur de l’enfer. Du milieu du XIXe siècle à 1996, date de fermeture du dernier de ces couvents-prisons, des milliers de filles déclarées « perdues » -c’est-à-dire filles-mères, filles de mauvaise vie, ou bien pauvres, handicapées, ou encore trop jolies pour être honnêtes, bref, indésirables- y ont été incarcérées, parfois jusqu’à la fin de leurs jours, sous la botte de bonnes sœurs sadiques. Au programme des réjouissances : travail dix heures par jour dans les laveries, aucun contact avec l’extérieur, châtiments corporels, etc.

Sujet « fort » pour film « dur », dira-t-on dans les programmes télé quand The Magdelene sisters habitera le petit écran, sa véritable destination en vérité. Image sale pour dire l’horreur du lieu, caméra tremblante pour les scènes chocs (on coupe les cheveux d’une évadée reprise), plan large des filles courant dans les champs pour signifier la liberté (fallait y penser), etc. Le cinéma de Mullan s’arrête là, à ces courtes vues : trouver les gueules de l’emploi, en passer par tous les poncifs du film sur l’enfermement (tentative de suicide du plus faible, perversité des matons, évasions avortées…), faire songer -de loin- à la Miss Ratchet de Vol au-dessus d’un nid de coucou et au dortoir de Full metal jacket, rédiger le carton final sur le destin des héroïnes. Le dernier plan, franchement dégueulasse (40 secondes sur les grimaces cubistes d’une pensionnaire devenue folle), dit tout de l’entreprise : donner au spectateur ce qu’il veut, du sang et des larmes, de l’émotion pompière. Ça voudrait toucher au cœur et au ventre, ça ne fait que suer l’académisme et l’horreur d’un humanisme bradé.