Il y a fort a parier pour que Sympathy for Mister Vengeance, accueilli dans une multitude de festivals branchés comme un grand polar asiatique désespéré, entraîne un déluge de commentaires de cinéphages ébahis quant à la mise en scène (tout en esbroufe) et le propos (noir c’est noir) qui servent d’alibis à ce sombre navet. Une histoire prometteuse (réactions d’autodéfense en chaîne pour une poignée de personnages à la dérive) pour une succession de scènes racoleuses et dénuées du moindre regard de cinéaste : tel est l’horizon de ce très antipathique « Monsieur Vengeance ».

Le folklore du « culte » est convoqué à tours de bras : héros sourd et muet aux cheveux verts, académie du beau plan pour absolument rien (filmer le jet d’une cigarette dans l’eau de l’intérieur d’une mare), effets coups-de-poing à deux francs (l’ultraviolence alanguie de certaines scènes de meurtres), bref tout un attirail éventé de shoking-gadgets dissimulant grossièrement l’absence totale d’enjeux qui mobilise Park Chan-wook d’un bout à l’autre de son projet. La faute, au fond, en revient moins à ces tours de passe-passe de gros malin qu’à l’horrible esprit de sérieux qui les contredit à chaque instant : dès qu’il le peut, le film s’appesantit sur des scènes grotesques d’académisme bon marché (les gags foireux qui tentent de jouer la carte d’un burlesque absurde).

La folie, l’horreur sont étouffées par cette mesure dans l’excès (le héros touchant contre des méchants, caricaturaux vendeurs d’organes clandestins : le sujet à la mode des esbroufes du moment), une sorte de volonté de séduire malgré tout le spectateur qui annihile toute l’intégrité du film. Surtout, Sympathy for Mister Vengeance joue d’effets de modernité bidons (le rapport antonionien au temps et à la durée des plans) qui, utilisés avec une rare stupidité – voir la complaisance affreuse qui plombe la scène d’enterrement de la fillette –, débouche sur un simulacre de cinéma d’avant-garde en fait profondément vieillot et démodé. Pendant ce temps, le Public enemy de Kang Woo-suk (2001), vrai film fou à l’invraisemblable virtuosité, sans concession aucune sur un sujet voisin, reste honteusement inédit. Il nous vengerait pour le coup de ces terribles baudruches (Kim Ki-duk, les frères Pang) qui saturent le supermarché contemporain des exports asiatiques.