Remake de Garde à vue de Claude Miller, Suspicion est un film de commande qui doit son existence aux comédiens Gene Hackman et Morgan Freeman. Comment faire œuvre personnelle quand on cumule à ce point les handicaps ? Mais, après tout, Stephen Hopkins, faiseur touche-à-tout à qui l’on doit entre autres Freddy 5 (1989) et le sympathique Perdus dans l’espace (1998), n’est pas là pour ça. Dans ce type de production, il est évident que le réalisateur n’est qu’un simple exécutant dont le savoir-faire se plie à la volonté de ses commanditaires. Conçu par et pour G. Hackman et M. Freeman, Suspicion est donc un long métrage de comédiens.

Pas de quoi crier au scandale, l’original -qui était lui-même un film de commande- est loin d’être un chef-d’œuvre et vaut surtout pour les performances de Lino Ventura et Michel Serrault. Et les deux acteurs, dans ce face-à-face en huis clos entre un policier et un notable suspecté d’avoir assassiné et violé deux petites filles, se montrent, à leur tour, plutôt convaincants. Stephen Hopkins ne s’est pas pour autant contenté du rôle ingrat de larbin filmant sagement deux briscards qui ont voulu se faire plaisir. Dès qu’il sort du commissariat, sa caméra le démange : plans aériens saccadés sur la capitale de Porto Rico (les Caraïbes, c’est tellement plus exotique que la terne petite ville de province de Garde à vue), ralentis, techno, tout y passe. Voulant à tout prix briser le côté statique de l’interrogatoire, insuffler du rythme à son film, il opte pour des solutions narratives peu heureuses. Du type « télé-transportation » des comédiens à l’extérieur du commissariat. Ainsi, par exemple, lorsque G. Hackman raconte les circonstances de la découverte du corps de l’une des victimes, le flash-back qui suit ne met pas simplement en images ses paroles, l’interrogé et l’interrogateur sont également présents à l’écran. Un peu plus mature -pas étonnant vu l’âge des comédiens-, un peu plus subtil que la majorité des remakes américains de films français, Suspicion reste malgré tout un film dont on se dispense très facilement.