Parce qu’ils se meuvent et s’expriment avec une intense clarté et dans des chorégraphies parfaites, parce que la force et l’arrogance de leurs mouvements s’allient à la souplesse et à la maîtrise du corps, les danseurs de hip-hop nous envoient une double image de brutalité et de grâce. Autant dire une magnifique ambivalence. C’est pourtant avec un certain savoir faire que le réalisateur a expurgé toute cette problématique, au point de n’offrir en spectacle que le vide artistique gênant qui sépare le talent des danseurs et disons, le reste du film.

L’histoire de David et Elgin, deux danseurs qui prouvent leur valeur au cours de joutes chorégraphiques avec l’espoir d’un jour être reconnus, rappelle bien évidemment celle de 8 mile. Avec une étonnante ingénuité le paresseux scénariste se permet de calquer la progression et les péripéties de ses personnages sur le récit de Curtis Hanson : même histoire d’amitié virile gênée par l’amour, même premier affrontement qui tourne à la catastrophe et même revanche triomphante. Mais ce qui assurait la cohérence du propos de Curtis Hanson -accepter sa condition pour trouver les mots justes et triompher- se perd ici, puisqu’il n’est plus question de parole, de mots justes, mais de danse.

Déjà bien entamé dans sa dialectique, le récit se poursuit dans le cafouillage creux par la représentation sociale qu’il donne de la banlieue. Car à côté du ghetto glauque et dangereux de 8 mile ou de Menace to society, celui de Street dancer ressemble plutôt à un parc d’attraction purgé de toute noirceur. Par pudeur, on fait silence sur d’illicites livraisons ; par tiédeur, on sauve miraculeusement les jeunes de la colère d’un caïd ; par peur, on ne montre pas la mort d’un adolescent. A force d’occulter cette réalité, le film devient une aberrante divagation sans rapport avec le monde et la culture d’aujourd’hui.

Moins qu’un film sur la danse, Street dancer est plutôt une molle mise en image de l’adage populiste que les producteurs aiment à répéter aux moins de 18 ans quand il n’ont rien à dire : « ce qui ne te tue pas, te rend plus fort ». Le meilleur est donc à venir pour la culture hip-hop qui survivra sûrement à cet énième affront.