Une idée fait-elle un film ? Le brouhaha médiatique suscité par le moindre film-concept voudrait nous le faire croire. Facile à identifier, facile à regarder, facile à ranger, en réalité ce cinéma à pitch racole pour mieux masquer ses limites. Il suffit de décoller sa fine pellicule de poudre aux yeux pour révéler son véritable visage : celui d’un court-métrage gonflé aux hormones. Que reste-t-il, par exemple, de la vague du vrai faux docu horrifique (Blair Witch project, Paranormal activity, Open water…) ? Un dispositif de petit malin, pas mal d’esbroufe et peu de lendemains, en tout cas rien qui excède leur concept vite éculé. L’arnaque continue cette semaine avec le suédois Sound of noise. Dans cette symphonie urbaine en quatre mouvements, des batteurs anarchistes ont décidé de mettre la ville à feu et à sons en utilisant les objets du quotidien : hôpital, banque, opéra et centrale électrique vont tour à tour subir les assauts de leurs cadences infernales. Un concept amusant qui va vite se cogner au plafond. Il s’en trouvera, bien sûr, pour saluer l’ingéniosité du bidule et passer outre sa mise en scène arythmique, pour taper du pied et faire la sourde oreille. Mais l’idée seule vaut-elle vraiment mieux que sa concrétisation ?

A l’origine était Music for one apartment and six drummers, ingénieux court-métrage sorti en 2001 et couronné de toutes sortes de prix. Le principe ludique y était strictement le même, seule les échelles de temps et d’espace y variaient. Et tout est là : ce qui fonctionnait dans le cadre d’un tour de force de 10 minutes circonscrit à un appartement explose en vol sur 1h30 et une ville entière. Parce que l’idée, seule, ne suffit plus. Le film cherche bien à dépasser son côté compil youtube, à structurer ses quatre numéros musicaux autour d’une vague intrigue de comédie policière, mais l’inexpérience des cinéastes en la matière est criante (écriture nanardeuse et mise en scène au diapason). Pire : à refuser sa nature profonde de menu best-of, à vouloir faire comme les grands, Sound of noise saborde son argument conceptuel. Quitte à tomber dans une impasse cinématographique, pourquoi ne pas avoir opté pour l’excès inverse, celui des Jackass-movies, évacuer l’attirail du long-métrage pour ne garder que le principe du court : des mecs qui tapent sur des casseroles pour faire chier le monde. Sublimer le concept plutôt que le dépasser ? L’assumer plutôt que bluffer ? Quelque part, il y avait la place ici pour un grand crescendo musical et anarchiste, une symphonie en quatre mouvements qui se serait conclue sur un fortissimo ébouriffant. Au lieu de ça, parasité par son habillage artificiel et une réalisation si atone qu’elle plombe chaque morceau, Sound of noise va péricliter jusqu’à nous servir en guise d’apothéose un finale en sourdine. Qui a dit : beaucoup de bruit pour rien ?