Avec Soul kitchen, Fatih Akin balaie d’un revers de main les thèmes qui lui collent à la pellicule (alcool, dépression, mort, suicide) pour s’octroyer une petite bouffée d’oxygène dans une filmographie un peu asphyxiante. Après deux films profondément marqués par l’introspection et la souffrance (Head-on et De l’autre côté), le réalisateur fait un break avant d’entamer le troisième volet de sa trilogie sur « L’amour, la mort et le diable ». Erreur de parcours ou parenthèse vitale, Soul kitchen amusera les papilles de ceux qui aiment habituellement la tambouille, mais sera sûrement boudé par les fins gastronomes.

Sosie capillaire de Mike Brant, Zinos est propriétaire d’un hangar made in Emmaüs transformé en temple de la malbouffe. Au menu : fritures et poissons carrés avec des yeux dans les coins. QG préféré des ouvriers du coin, le restaurant est pourtant menacé de fermeture par le fisc. Une occasion en or pour Thomas Neumann, un agent immobilier véreux, qui souhaite racheter le fastfood pour en faire un nouveau lieu clinquant de la haute société branchée. Secondé d’un frère fraîchement sorti de prison et d’un chef cuisinier de haut vol, Zinos met tout en œuvre pour sauver son restaurant de la faillite et du rachat.

Agrémenté d’une micro lutte anticapitaliste en background, Soul kitchen sonne donc comme une récréation et met au placard les lumières naturelles et la caméra à l’épaule de Head-on. Artificielle et colorée, l’image se laisse dompter par les rythmes soul, électro et rock d’une bande-son réjouissante. Bien dosée entre décors neutres et mouvements de caméra balancés, à première vue, la mise en scène est alléchante. Mais après quelques scènes musclées façon vieux films de kung fu, on attend un peu plus de cette construction narrative un peu classique. Mais « The Creator has a Plan ». Son astuce : ajouter à sa recette un attrayant trio de têtes pour pimenter le goût d’un film qui s’annonçait un peu fade sur le papier.Sans fausse note, le casting est clairement la grande réussite du film, surtout grâce à Birol Ünel, plus vrai que nature en grand chef cuisinier. Rien que pour lui, le film vaut qu’on s’y attable – même si sa saveur ne reste pas bien longtemps en bouche.