Une petite ville américaine, un adolescent qui n’en fait qu’à sa tête et des jouets qui font de même, qu’obtient-on si l’on mélange le tout en y ajoutant une pincée de romance ado qui intervient aux moments les plus inopinés du film ? Eh non, perdu, ce n’est pas le scénario de Gremlins, mais celui de Small soldiers.
Au gentil Mogwaï combattant les méchants Gremlins se sont substitués des jouets dotés d’une puce fabriquée à des fins militaires : un commando d’élite mené par le major « Chip Hazard » qui va affronter les pacifiques « Gorgonites ». On ne peut donc pas dire que l’originalité scénaristique soit le point fort du dernier film de Joe Dante. Small soldiers demeure cependant intéressant à bien des égards, notamment en raison de sa conception même. Il n’aurait dû être que le support de lancement d’une gamme de jouets fabriquée et conçue par la firme Hasbro avant même que la moindre ligne de scénario n’ait été écrite. En d’autres termes, une longue publicité, au métrage inhabituel certes, conçue à la gloire d’une gamme de figurines en plastique. Un tel projet ne fait qu’entériner la situation actuelle de l’économie du cinéma américain dans laquelle la majeure partie des ressources d’un film ne provient plus des recettes en salles mais de ses droits dérivés et de son merchandising. Film-produit fabriqué par un département marketing destiné aux enfants spectateurs et futurs acheteurs des jouets vus sur l’écran, tout aurait dû être parfait dans le meilleur des mondes possibles.
Heureusement la machine à la mécanique parfaitement huilée n’a pas tenu compte d’un facteur, pourtant essentiel : l’esprit subversif du réalisateur. A croire que les dirigeants de Hasbro n’ont pas visionné l’œuvre du cinéaste, en particulier Gremlins 2 et The American second civil war. Car « l’American way of life » et les dérives du libéralisme poussé à son extrême y sont les cibles favorites du réalisateur.
Tel un Frankenstein moderne, le département marketing a vu sa créature se retourner contre lui (l’une des scènes les plus terrifiantes et intéressantes du film où une armée de poupées Barbie attaque l’héroïne en marmonnant des phrases du type : « sois belle et tais toi »). Rien que pour cette scène le film mérite d’être vu car elle est le symbole criant du fait que tous les calculs, toutes les prévisions d’un plan marketing ne pourront jamais totalement contrôler la réalisation d’un film.
Bien trop violent, Small soldiers n’est pas destiné aux enfants mais aux adultes, qui se réjouiront devant ce film acide aux multiples références cinéphiliques.