Après Ildiko Enyedi qui avait transposé son récit dans la France contemporaine (Simon le Mage), voici une deuxième lecture de la légende de Simon le Magicien, figure païenne apparue dans les témoignages du début de la chrétienté dont fait brièvement mention la Bible. Cédant à son tour à la tentation mystique du tournant millénariste, le Britannique Ben Hopkins, coscénariste de Janice l’intérimaire, signe ici son premier long métrage qu’il a choisi de situer dans un autre contexte : celui d’une communauté juive rurale de la Silésie au xixe siècle En faisant de son personnage une figure ambivalente, partagée entre innocence et commerce avec le Diable, le réalisateur introduit au sein d’une reconstitution réaliste de nombreux éléments fantastiques qui viennent graduellement secouer la torpeur glauque d’une image dont ressortent principalement les tonalités ternes, une dominante ocre et grise mise en avant par la lumière élaborée de Nicholas Knowland. A qui l’on devait déjà la photographie de L’Institut Benjamenta.

Simon le Magicien se distingue donc d’emblée de la mollesse ambiante des actuelles productions britanniques par cette recherche d’un univers visuel qui lui soit propre et serve au plus juste son propos. Ben Hopkins parvient à définir les contours de son histoire à travers une esthétique travaillée et une écriture resserrée s’appuyant sur une progression dramatique cohérente Son problème majeur est qu’une fois exposés le décor et les personnages qui l’intéressent, le film ne surprend plus et sa narration s’égare. Les rencontres de Simon avec le Diable confinent au grotesque : elles sont non seulement maladroites mais rendues caduques par l’interprétation outrancière et appuyée de Ian Holm qui, après s’être compromis dans quelques-uns des pires navets du moment, mérite décidément quelque repos. Ces passages alourdissent considérablement le récit et détruisent l’équilibre que l’auteur avait instauré entre réalisme et mystère. Simon le Magicien en perd de sa force mais pas de son étrangeté. S’il déçoit quelque peu, le film mérite tout de même un semblant de crédit et d’attention. La seconde réalisation de Ben Hopkins, The Nine Lives of Tomas Katz qui, d’après les échos parvenus, semble s’aventurer plus loin dans la voie d’un fantastique apocalyptique distancié, devrait confirmer les qualités qui affleurent ici sans s’épanouir pleinement.