A Hollywood, il n’y a plus tellement de trajectoires comparables à celles de David R. Ellis, ex cascadeur devenu assistant devenu faiseur. Désormais les séries B sont sous-traitées par de jeunes cinéastes étrangers et le culte du genre dénature la production – l’hommage et l’anoblissement dament le pion à l’exploitation pure. C’est pourquoi Shark 3D affiche un côté old school plutôt rafraîchissant dans le paysage actuel. Y voir un objet à contre courant serait tout de même exagéré. Ellis n’est pas un dissident à la modernité façon Jonathan Mostow (il n’en a ni le talent ni même la conviction), mais davantage une espèce de dernier des Mohicans qui s’adapte tant bien que mal à son époque. Ellis tourne des films dont les pitchs tiennent dans leur titre : Cellular, thriller à téléphone portable, Destination finale 2 et 4 (il n’est pas responsable du concept), Des serpents dans l’avion. Et Shark 3D donc. Pas de malice : il s’agit bien d’un film avec des requins en relief.

Ça démarre comme dans Jaws (Les Dents de la mer), sans la musique de John Williams. Une paire de jambes qui mouline sous l’eau, un moment d’insouciance, puis un buste de bimbo qui s’agite à la surface pile poil au moment où son boyfriend est revenu au sec chercher de la bière. Le film n’est au fond qu’une variation de cette séquence primitive sur 90 minutes. La victime change, garçon, fille, le requin aussi – marteau, blanc, tigre, toutes les races y passent. Un coup hors de l’eau : le squale croque sa proie en jaillissant comme un poisson d’eau douce gobant une mouche ou un sauteur en longueur enregistré par les caméras de Stade 2. Un coup sous l’eau. Trois plans, en général, montés au carré : la bestiole qui s’approche, une vision subjective, la proie qui disparaît dans un concert de glou-glou. Film prédécoupé ? Pas vraiment. Ellis dilate le suspense comme il manie les effets spéciaux, avec le professionnalisme d’un vieux forain. Il surprend toujours le spectateur quand il porte l’estocade. Et chaque carnage est rythmé différemment par rapport au précédent.

L’intrigue incorpore une bande de redneks maléfiques dans les jambes des teenagers. Les dents de la terre, ou Jaws meets Massacre à la tronçonneuse en mode discount, prolongement efficace de la chasse à l’homme en eaux saumâtres. Les premiers terrorisent les seconds, les pourchassent en bateau, les reniflent. Ellis s’en tire aussi bien qu’avec ses monstres marins : la tension monte en un champ contre-champ, les acteurs assurent. Shark 3D n’en demeure pas moins un super nanar, un nanar sympathique zébré d’invraisemblances grotesques qui révèlent hélas que la belle frontalité du film est aussi bas de plafond. Ça se confirme quand le récit cherche à se régénérer au contact de la modernité (la boucherie n’était qu’une machination destinée à passer sur Youtube), Ellis n’y voyant pas même l’occasion de faire jaillir de la débilité ambiante une étincelle d’ironie. Un espoir demeure, hautement probable : souhaitons qu’un jour le système lui serve un meilleur scénario.