A Hollywood, comme chacun de nous le sait (et le tait ?), le spectateur est souvent pris pour un mouton. Les films ressemblent de plus en plus à une mise en boîte constante de différents éléments souvent usités et déhanchés dans le but de créer le matériau original minimum à la création du produit. Une dose de sexe, deux doses d’action et le tour est le plus souvent joué, le produit emballé dans un beau bagage esthétisé et rapporte souvent le budget escompté par les statistiques. Ah, j’oubliais les stars, caractéristique importante souvent au cœur, (si ce n’est à l’origine) du projet du film.

Ici il y en a plus qu’il n’en faut : Matt Dillon en machiste piégée, Neve Campbell en bouseuse calculatrice, Kevin Bacon en flic douteux et même Bill Murray en prime dans un très bon rôle de composition. Le scénario est habilement ficelé et, si il est en effet conventionnel et somme toute pas très surprenant, il se laisse suivre. Sans plus. Seulement voilà et ce qui n’aurait pu être qu’un film policier de plus dans la longue liste des navets de l’été, se démarque par un sens aigu et surprenant de la mise en scène. Celle ci, (souvent périlleuse), arrive à faire tenir en haleine jusqu’au mot de la fin.

Arrivé à ce stade, le spectateur remarquera certaines incohérences flagrantes. Il trouvera cette histoire de manipulation sexuelle et de magot passant de main en main fabriquée assez maladroitement, et aura la très nette impression que le film se moque de lui et le juge inapte à découvrir les ressorts énormes et bancals de l’intrigue. Mais les indices nécessaires à la cohérence totale et à l’acceptation de celle-ci lui sont livrées in extremis (c’est peu dire), en inserts dans le générique de fin, au moment même où le spectateur se lève généralement pour quitter la salle. Un habile tour de passe passe en somme où Mac Naughton excelle mais dont le trucage est tellement visible qu’il en perd après coup toute sa force. Ainsi, si il y a bien une personne à féliciter dans cette entreprise, c’est le metteur en scène qui arrive à faire de l’original avec un scénario réchauffé. Les codes du genre, au lieu de les dissimuler, il les extrémise. Par exemple, tout habituel sous- entendu sexuel est ici sur-entendu, le spectateur chez Mc Naughton est avant tout un fervent consommateur de belles images léchées sur de beaux corps et ne perd rien de l’érotisme latent de certaines scènes. Ainsi Sexcrimes est en filigrane une réflexion sur celui qui le regarde, tour à tour voyeur et consommateur, celui à qui il faut tout expliquer après la fin car il n’y a pas de héros à qui se fier, aucun personnage qui soit honnête et tout coup dans le dos est, comme aux échecs, prévu avec deux ou trois longueurs d’avance sur la situation donnée.

Ainsi, Mac Naughton dresse somme toute très habilement un portrait du film conventionnel hollywoodien et surtout, chose infiniment intéressante et originale, un portrait de son spectateur. Le film fonctionne ainsi comme sa propre parodie et parodie celui qui le regarde. Il joue avec lui et, chose dangereuse, avec son opinion du film. Si John Mac Naughton nous avait laissé de glace après Henry, portrait of a serial Killer, nous avait séduit avec la comédie Mad dog and Glory, on retrouve ici tout son cynisme, sa férocité et son humour, assez fin tout compte fait.