Projet bancal que ce Serenity. A l’origine, une série télé mise hors circuit pour cause d’audience ramollie ; au final, un film sans budget, tentative désespérée de lancer enfin la franchise. Peine perdue pour Joss Whedon, le créateur de Dark angel ou Buffy contre les vampires, qui n’en est pas à son premier recyclage (Buffy, film flop mais carton sur le petit écran), mais demeure bien malheureux au cinéma. Il faut dire que le bonhomme n’a pas grand-chose à faire valoir, si ne ce n’est le goût de la saga et un amour naïf pour la SF. En 2005, une sorte de George Lucas poids plume, sans l’avant-gardisme technique, ni l’érudition cinéphile, ça ne pèse évidemment pas très lourd.

Le scénario avait de quoi nous laisser espérer non pas une mini-révolution interne, mais au moins une continuité light sous l’ombre bienveillante de David Twohy et John Carpenter : même goût pour le souffle politique de la marge, la fronde baroudeuse et l’envie de dégraisser le genre tout en cherchant à en sublimer les fondamentaux. L’ouverture esquisse une énième société concentrationnaire, qui peine à recadrer une jeune surdouée. Son frère l’arrache alors aux griffes du pouvoir et l’embarque à bord du Serenity, vieux rafiot galactique dirigé par un mercenaire raté. Commence, on s’en doute, une course-poursuite gentils-méchants, prétexte vieux comme le monde pour tailler la route de l’espace. A ce jeu, Whedon diésélise, l’écriture piochant dans l’histoire du genre comme l’on grignote des Apéricubes.

On pourrait même en rester à cette modestie de façade, notamment grâce aux décors, véritable apologie du bricolage. Ne pas chercher le génie là encore, mais une décomplexion totale, qui permet d’inscrire le film dans une reproduction enfantine sympatoche : vieux clic-clac et meubles en formica pour l’intérieur du vaisseau, couloirs en alu cartonné. Tout cela contient cependant une limite inévitable, d’autant que Whedon est plutôt du genre sérieux, faux pompier dépité par son manque d’argent. Frustration amplifiée par la mégalomanie sous-jacente du film qui ne se suffit jamais à lui-même, pose des jalons pour un futur plein d’avatars et de suites, ouvre des portes donnant accès une politique de bazar et une spiritualité idoine entre pythie bessonnienne et curé de l’espace. Manque l’essentiel : l’action, rachitique et simplette, portée par une troupe d’acteurs transparents, qui pour le coup ne souffre d’aucun regret. Whedon la confine à un banal maillon de chaîne, petite fiche classée entre « influences » et « personnages ». Et « insipide », c’est un effet spécial ?