Adapté d’une comédie musicale jouée à Broadway, Rock forever est à la traîne d’un phénomène déjà daté : celui de la MTVisation du rock et de la récupération de ses standards par le télé crochet. C’est cette même féérie de prime-time qui, ici, vient happer le folklore hard rock des années 80, sacrifié sur l’autel de l’esthétique plateau télé : saturation de spots fuchsia et acteurs principaux pré-pubères aux voix d’or plastifiées et à la peau abricot. Mais Rock forever dissimule un deuxième film, qui tient d’abord du pur effet d’annonce : Tom Cruise fringué en leader des Scorpions, ce n’est pas tout à fait rien comme promesse. Devant le film, on comprend néanmoins qu’il y a malentendu, et que Rock forever n’est pas autre chose que la digestion complète du comique made in Saturday night live au sein de la comédie musicale poubelle façon Mamma Mia.

Le film est en cela plus proche d’une soirée au Hard Rock Café que de Spinal tap, dont il revendique pourtant les prétentions parodiques à travers les personnages joués par Baldwin, Russell Brand et Tom Cruise. Sauf qu’à la vue des gesticulations de l’acteur, l’exercice clownesque apparaît vite pour ce qu’il est : une démonstration de virtuosité complaisante et éculée, à peu près totalement dépourvue d’intérêt. L’auto-parodie télévisée s’étant généralisée jusqu’à la nausée, il faudrait être naïf pour voir ici autre chose qu’une pure affaire d’auto-promotion : le ricanement a simplement pris la place du star-system, de sa capacité à éblouir, tout en donnant l’excuse de la performance réflexive – Tom Cruise qui joue Tom Cruise, qui se moque de lui-même. L’acteur campe le personnage de Stacee Jaxx, rockstar stone comme un légume, obsédé sexuel, reptile de cuir qui bombe le torse et tend les fesses comme Iggy pop : c’est l’évident avatar de lui-même, juste un peu plus outré. C’est aussi une impasse, parce que ce type de second degré, qui est une nouvelle norme du divertissement mainstream, ne fait plus tellement rire, et d’autant moins ici, au milieu de cette monstruosité télévisuelle qui évoque le genre flippant du pré-teen movie Disney Channel : amour platonique et guitare en plastique.