Requiem a de quoi piquer la curiosité : un film allemand sur une affaire de possession, l’étrangeté presque anachronique du projet laisse rêveur, mais les curieux resteront en plan. Le film raconte l’histoire vraie d’une jeune Allemande épileptique (Michaela Klinger) que son entourage déclare possédée par les démons. Un Exorciste en Bavière ? Sans dramatisation excessive ni grimaces outrancières, le film de Schmid avance tranquillement avec un souci réaliste et une retenue précautionneuse. Mais à force de vouloir éviter le spectacle, on se demande bien si Requiem n’est pas qu’un banal film de collège.

L’atténuation donne, du côté de l’image, quelque chose d’assez doux. L’éclairage, les couleurs automnales du paysage allemand et des jupes écossaises seventies forment de jolies harmonies et reconstituent une image d’époque. Mais « d’époque », le film n’en a pas que l’apparence, il finit par faire vieillot. Pour un film allemand d’aujourd’hui, Requiem a bien des airs de cinéma anglais des années 70, du Ken Loach de Family life en particulier : pression familiale, bigoterie et traditions. Le personnage n’échappe pas aux déterminismes et la caméra pour faire plus vrai n’en finit pas de bouger fébrilement comme secouée elle aussi par une crise incontrôlable.

Instable, le film s’évertue à ménager la chèvre et le chou : il maintient le doute entre la maladie et la possession, le poids des traditions et le parcours mystique d’une martyre, le diagnostic psychiatrique et la parabole sociale. Michaela est-elle habitée par sa mère ? Est-elle un corps des années 70 hanté par les années 60 ? Ou simplement une jeune fille qui tente de s’émanciper dans un milieu ultra-conservateur ? Le film hésite et vire à la confusion en brouillant les pistes. Mais qu’importe puisque pour finir, le verdict du véridique l’emporte : le carton final annonce tambours battants que la jeune fille est morte d’épuisement à la suite d’une dizaine de séances d’exorcisme. Clôture bien sentie et bien commode, le film se réfugie derrière le réel.

Si les va-et-vient desservent le film, ils trouvent dans l’interprète principale, Sandra Hüller (Michaela), un corps qui les incarne à la perfection. Belle découverte du film, elle vient rejoindre une nouvelle génération d’actrices allemandes très prometteuses. Le visage changeant, tantôt fermé, bouche tombante et paupières lourdes, tantôt franchement sympathique (son sourire bonhomme et sa démarche balancée), Sandra Hüller navigue entre deux eaux, ni geek freak façon Carrie, ni victime illuminée façon Emily Watson (Breaking the waves). Le personnage y gagne une réelle complexité difficilement classable. Avec le côté paysan d’une fille un peu masculine et mal dégrossie, l’actrice évite le misérabilisme, elle se débat avec un dynamisme sans apprêt face aux carcans imposés par un scénario trop étroit. Alors, si le film s’oublie vite, on reste du moins hantés par cette drôle de dégaine.