Les baskets révolutionnaires conçues par Drew étaient sans doute trop en avance sur leur époque, et sont toutes revenues à la maison mère, pour une perte sèche d’un milliard de dollars. Responsable de cette catastrophe industrielle, Drew va pour se suicider quand il est rattrapé par un autre mort, son père, qu’on enterrera bientôt à Elizabethtown, Kentucky, USA. Entre Drew et son père, entre Drew et sa chaussure, il n’y a que des rendez-vous manqués. Quelle rencontre alors, à Elizabethtown, Ky ? Puisque Drew se perd en chemin pour y aller, ce lieu en friche où tout est à construire est disponible à la comédie romantique, genre champion de la rencontre et des inconnus qui vous offrent des fleurs. Pourtant, la rencontre a d’abord lieu en l’air, dans l’avion qui emmène Drew, où apparaît Claire, hôtesse de l’air, qui joue l’éternel rôle de la fille envahissante et espiègle, complice un peu fofolle -vieux modèle qui fonctionne toujours (Hepburn, Katherine). Elle se poursuit en ville, durant le temps cérémonial du deuil qui s’ouvre.

Au déroulé standard de la comédie romantique, Rencontre à Elizabethtown oppose une ambition protéiforme due à la personnalité de son réalisateur, Cameron Crowe, ex-journaliste rock devenu cinéaste inégal (Presque célèbre, Vanilla sky). Ici, elle prend la forme d’une propension à mettre le pied sur le ballon et prendre le temps de l’in extenso. C’est sans doute le plus singulier du film, cette spectaculaire tendance à bousculer le récit par de grands blocs narratifs (l’odyssée touristique de Drew sur le chemin du retour) ou filmer tout d’un moment, pour mieux en goûter le privilège. Ainsi la grande scène du film, une nuit entière au téléphone où l’on converse en même temps que tout : lire, manger, se laver, ranger, etc. Belle leçon, encore, de ce genre si généreux : la communauté téléphonique, vivre ensemble sans se voir, c’est une autre proposition de sociabilité.

Quel rapport avec le rock ? Ce rythme, qui longeait déjà Presque célèbre, des tournées en car sillonnant les routes d’une Amérique patte d’eph. Cette B.O. qui fredonne à l’oreille des personnages. Les clips, évidemment. Tutti frutti de propositions qui disperse d’autant le film et dilue un charme senti ici et là, dans quelques belles scènes. Dernier fait du film, la cure de jeunesse qu’il entame, limogeant les vétérans de la romance (Meg Ryan, Richard Gere, Julia Roberts, etc.) au profit d’une nouvelle génération -Orlando Bloom, Kristen Dunst- définitivement plus maigrichonne (Kristen) ou, hélas, complètement falote.