Excellente idée que de sortir en salles Regarde la mer, premier moyen métrage de François Ozon accompagné de son précédent court Une Robe d’été. Ces deux films réalisés dans un cadre semblable -un bord de mer au cœur de l’été- nous proposent une histoire et un traitement diamétralement opposé.

Une Robe d’été est une comédie enlevée, brillante et joyeuse sur l’insouciance et la liberté sexuelle. Un couple de jeunes garçons passent ses vacances au bord de la mer. Frédéric découvre avec une jolie espagnole délurée les plaisir de l’hétérosexualité avant de retrouver avec fougue (c’est peu de le dire !) son ami. Chassez le naturel, il revient au galop…

Enchaîner avec Regarde la mer, véritable huis clos en plein air, cré un choc par l’ambiance oppressante qui s’en dégage. L’histoire est celle d’une jeune femme en vacances avec son bébé sur l’île d’Yeu. Un soir, une routarde, Tatiana (composition impressionnante de Marina de Van), étrange et peu bavarde, lui demande de planter sa tente dans le jardin. Peu à peu, Tatiana investit les lieux, se rapprochant de plus en plus du bébé et de sa mère…

Dés l’arrivée de la campeuse, le spectateur sent de manière diffuse qu’il va se passer quelque chose… quoi ? On n’en sait rien… Mais l’angoisse s’installe irrémédiablement. La grande force de la mise en scène de François Ozon, c’est sa capacité à installer ce climat d’insécurité par d’infinis détails. Le malaise est constamment palpable mais difficile à définir.

Le réalisateur n’use d’aucun artifice pour nous faire entrer dans son jeu. Il va jusqu’au bout de son propos tout en ménageant de longues plages de temps ou le spectateur se fait son propre film. Le résultat est diabolique car terriblement efficace. Chacun projette (fantasme) en fonction de son imaginaire, des situations plus ou moins monstrueuses. Faites l’expérience, si vous allez voir le film en groupe, testez vos réactions à la sortie, il n’est pas certain que chacun ait vu la même chose.

Deux petits bijoux d’une saine perversité et d’une grande sensualité (non, ce n’est pas incompatible !). Vous y découvrirez le talent pluriel de François Ozon qui provoque, dérange, mais ne laisse pas indifférent.