Encore un « auteur » qui pense faire oeuvre d’utilité publique simplement parce qu’il ose se coltiner à la misère. Mais en l’absence d’un véritable regard, toute la misère du monde ne peut donner vie à un film. Dioche sait pourtant que le Portugais Vasconcelos ne ménage pas son spectateur, lui imposant de but en blanc les déboires haut en malheurs d’un gamin de 14 ans, victime « consentante » d’une terrible donnée sociale, celle du travail infantile. Exploités illégalement par des patrons peu regardants sur l’âge, les mioches de Ras le bol errent d’un sacerdoce à l’autre, épuisés, incapables de suivre correctement leurs études, et condamnés aux manoeuvres les plus dangereuses, souvent au péril de leur existence. Une réalité sur laquelle le cinéaste n’hésite pas à faire germer sa fiction honteuse, succession crescendo de tragédies censée nous faire prendre conscience d’une sorte d’injustice généralisée, capable de broyer les destinées de nos petits mignons comme de leur entourage.

Ce principe d’accumulation morbide est entrepris avec une telle mollesse dans la réalisation que chaque image, si brutale soit-elle, prend valeur d’imposture narrative. Tout, ici, semble fabriqué pour produire le choc, la secousse émotionnelle du citoyen bien-pensant, horrifié par la probable véracité d’un univers semblable à celui décrit par le film. L’ensemble relève en fait d’un banal récit d’initiation : le jeune Jaime, en tentant de restaurer comme un grand -moyennant finances- l’équilibre de sa famille éclatée, aura appris à devenir un homme. Point barre. Et lorsque les derniers plans de Ras le bol nous montrent le héros enfourchant son scooter neuf, roulant vers un avenir tout tracé, on se demande bien où Vasconcelos a voulu en venir. Récapitulons pour la forme (et pour le plaisir) : avortement de la mère, suicide par pendaison du père, meilleur pote de 13 ans tué sur un chantier, mains d’un enfant broyées par une machine, j’en passe et des meilleures. S’il est impossible de remettre en cause la somme informative recueillie par le cinéaste, on peut s’interroger sur l’intérêt de ces débordements glauques, trop-plein dramatique qui finit par conférer au film une certaine dimension grotesque (Hugo, à côté, c’est Casimir) en lieu et place de la compassion escomptée.