Alors que dans Atomica, leur précédent film, caméra et personnages s’agitaient de manière frénétique et totalement vaine, cette fois, Alfonso Albacete et David Menkes ont décidé de faire dans le sobre. Comparé à leur resucée hystérique du cinéma d’Almodovar première période, Raisons de vivre nous apparaît donc comme un film étonnamment apaisé. Tout du moins passée la première demi-heure car, auparavant, le duo de cinéastes n’hésite pas à accabler son héroïne de tous les malheurs du monde.

Le même jour, Marga (Emma Suárez, très bien, mais on la préfère de loin chez Julio Medem), qui est enceinte, perd son ami dans un accident de voiture et se fait piquer son travail par sa meilleure copine. Il n’a suffit que de quelques minutes pour qu’une femme comblée se transforme en mère célibataire, chômeuse, incapable de faire face aux traites de son appartement. Même Cécilia Roth dans Tout sur ma mère avait plus de chance ; elle perdait son fils mais gardait tout de même son travail et sa meilleure amie. La référence au film d’Almodovar n’est pas gratuite car Raisons de vivre y fait songer -jusque dans la référence à Truman Capote- à plus d’un titre. Difficile de parler de plagiat, les deux films étant sortis la même année en Espagne. Mais on a tout de même la désagréable impression d’avoir plus affaire à des suiveurs qu’à de véritables auteurs. Là où Almodovar parvenait à travers la perte brutale d’un être à atteindre le flamboyant des meilleurs mélodrames, Albacete et Menkes, avec le même point de départ, n’aboutissent qu’à un petit film terne et assommant.

Au lieu d’aller jusqu’au bout de ses excès premiers, Raisons de vivre s’oriente ensuite vers une comédie dramatique des plus convenues. Après des années, plus ou moins dépressives, passées seule à élever son fils et à trouver un travail digne de ce nom, Marga rencontre Iñaqui. Mais voilà : non seulement il a dix ans de moins qu’elle, mais en plus, il préfère les hommes. Si cette énième variation sur les amours contrariées entre une hétéro et un homo est bien moins pénible que ses récentes versions hollywoodiennes (voir le catastrophique Un Couple presque parfait), elle est tout aussi dispensable. Qu’Albacete et Menkes arrêtent d’imiter papa Almodovar -ils n’en sont de toute façon pas les dignes rejetons-, et l’on verra peut-être leur prochain film avec un peu plus d’enthousiasme.