Ne surtout pas se fier à l’affiche (les trois héroïnes prennent la pose avec chacune un téléphone à la main) et au titre, qui donnent à Raccroche ! un air de comédie, genre dont le film s’éloigne dès le début. Bien que produit par Nora Ephron (la réalisatrice de Nuits blanches à Seattle et Vous avez un message) et écrit sa sœur, Delia Ephron (l’auteur du best-seller dont est tiré le film), Raccroche ! n’appartient pas du tout au registre de la comédie romantique. Une fois tombés dans le panneau, beaucoup seront surpris d’assister à un véritable mélodrame familial qui n’évite bien évidemment pas le chantage aux sentiments, inhérent à toute production lacrymale hollywoodienne.

La maladie de leur père qui sombre dans la sénilité est la triste occasion pour Georgia, Eve et Maddy, trois sœurs au destin différent, de retrouver un certain esprit de communion que les aléas de la vie avaient quelque peu élimé. Entre-temps, il faudra quand même subir les agaçantes mimiques de Meg Ryan, pivot du film, qui doit affronter seule la lente décrépitude de son paternel jusqu’à la prise de conscience de ses frangines qui viendront enfin l’aider. Malgré quelques notes humoristiques, essentiellement fondées sur les tracas qui submergent une femme moderne essayant de concilier vie familiale et boulot, Raccroche ! exhibe une tonalité beaucoup plus sombre. Mêlant la réflexion sur la vieillesse et l’un de ses pires effets, la sénilité, au style légèrement documentaire de l’expérience vécue (la caution du best-seller autobiographique), le film ne nous épargne aucun poncif sur la question : des crises de delirium du père aux gros plans voyeuristes sur ses mains abîmées par le temps. Quel rapport alors avec les téléphones de l’affiche et le titre du film ? Non contente de nous imposer un lourd pensum empli de pathos sur l’accompagnement à la mort des personnes âgées, la réalisatrice s’intéresse aussi à un autre grand fléau qui touche de plein fouet la société américaine : l’envahissement de la vie privée par les nouveaux moyens de communication et notamment le téléphone portable. Lors d’une scène qui se veut cathartique pour le public qui s’y identifiera, l’héroïne craque, débranche frénétiquement tous les fils de téléphone et apprend enfin à «  »décrocher » ». On aurait bien aimé en faire autant dès les premières scènes du film.

Elysabeth François«